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N°10-11 mai 2017 : Géographie historique et guerres:

Histoire des conflits et déterminisme géographique en Europe orientale dans les rapports des officiers français au début du XXe siècle

Frédéric Dessberg


Par Frédric Dessberg (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/ CREC Saint-Cyr)



Résumé : Au tournant des XIXe et XXe siècles, les travaux des géographes militaires et des attachés militaires français sur l’Europe centrale et orientale se font de plus en plus nombreux. Dans le contexte de l’alliance militaire franco-russe, l’étude des confins des Empires russe, allemand, austro-hongrois et ottoman reflète les préoccupations françaises. Les études et les rapports proposent des réflexions stratégiques inspirées de l’observation géographique et de l’expérience militaire historique de régions considérées comme des terres d’invasion, théâtre de l’inévitable choc entre « Slaves et Germains ». Pour les officiers français, les données géographiques conditionnent souvent les caractéristiques politiques et culturelles des États. L’observation doit donc permettre de prévoir le déroulement des futures opérations de guerre. Elle a surtout pour objets la recherche d’informations sur les voies de communication, la valeur des armées, celle des soldats de l’armée russe alliée et l’esprit des populations.



Mots-clés : alliance franco-russe, confins, géographie militaire.



Abstract: At the turn of the 19th and 20th centuries, the works of the French military attachés and geographers regarding Central and Eastern Europe are becoming more numerous. In the context of the French-Russian military alliance, the study of the outposts of the Russian, German, Austro-Hungarian and Ottoman Empires reflects the French concerns. Studies and reports offer strategic reflections based on the geographical observation and the historical and military experience of areas which are reputed to be lands of invasion and a theater of the unavoidable war between “the Slavs and the Germans”. According to the French officers, geographical data often determine the political and cultural characteristics of the states. Thus, the observation should allow to anticipate the conduct of the future war operations. Their main purposes were the search for information about the lines of communication, the value of the armies and of the soldiers of the Russian allied army, and the minds of the populations as well.



Key-words: French-Russian alliance, military geography, outposts.



Si la formule « La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre » a pu trouver une application concrète, ce fut certainement auprès des militaires français de la IIIe République, notamment dans la période 1871-1914. Dans cette période, les travaux de géographie militaire prennent en effet une ampleur inédite, sous l’impulsion d’officiers dévoués à la mission de synthétiser et de diffuser les connaissances géographiques, et dans le contexte obsédant d’une Allemagne devenue hégémonique sur le continent (1). Leurs travaux, largement centrés sur le territoire français et sur l’Europe, concernent pour une certaine part la géographie des territoires de l’Europe orientale. Ces derniers deviennent donc de mieux en mieux connus en France, principalement au tournant des XIXe et XXe siècles, grâce aux travaux des géographes militaires, mais aussi à ceux des universitaires. Ces travaux savants sont complétés par les rapports des attachés militaires auprès des états-majors des armées étrangères, ou ceux des officiers envoyés ponctuellement en mission en Europe centrale et orientale. Ils contribuent au progrès des connaissances géographiques, même s’ils ne sont pas aussi largement diffusés que ceux des géographes. Les informations qu’ils contiennent sont en effet principalement destinées au milieu du renseignement militaire, par définition fermé et restreint.



Dans l’esprit des militaires français, la partie orientale de l’Europe, située sur la façade orientale de l’espace de guerre allemand, est constituée d’« échiquiers de crises permanentes », pour reprendre une expression employée par Philippe Boulanger (2). Dans une période où les ennemis potentiels de la France sont clairement identifiés (l’Empire allemand et son allié, l’Empire d’Autriche-Hongrie), les préoccupations des militaires sont exclusivement tournées vers la perspective d’une guerre opposant les Empires centraux à la France seule et, plus sûrement depuis la conclusion de l’alliance entre Paris et Saint-Pétersbourg du début des années 1890, à la France et à l’Empire russe. Des questions se posent également sur l’attitude de pays situés dans la périphérie des empires, comme la Roumanie ou la Bulgarie, ou encore sur l’attitude de l’Italie. Les préoccupations des militaires, qu’ils soient géographes ou non, s’expriment donc essentiellement en fonction de considérations politiques sur l’importance des États, sur la situation de leurs armées, sur les moyens de leur défense.



La zone géographique dont il sera question ici est celle de l’Europe centrale et orientale, à l’exclusion des Balkans. Elle correspond pour notre période à une région de confins d’empires, puisqu’elle concerne les frontières orientales des Empires centraux et les limites occidentales de l’empire russe. Il s’agit de ce vaste territoire que les géographes ont pris pour habitude, jusqu’à nos jours, de nommer l’ « isthme européen (3) ». Il s’étend de la mer Baltique à la mer Noire. Ces zones de contact entre les trois, voire quatre empires, si l’on tient compte de la limite occidentale de l’empire ottoman, sont considérées comme des régions périphériques à Berlin, à Vienne et à Saint-Pétersbourg. Pour les militaires français, il s’agit également de zones périphériques mais, cette fois-ci, de périphéries européennes considérées comme des régions aux enjeux stratégiques importants, que l’État-major des Armées doit connaître et où la France doit défendre ses intérêts (4)



Ces régions peuvent être considérées par les observateurs de l’époque comme des « marches militaires », historiquement sujettes aux conflits et où les enjeux stratégiques demeurent importants. Il est donc essentiel pour les militaires français de connaître avec exactitude les voies de passage des armées et les lieux possibles de concentration des forces, afin de pouvoir déterminer les champs de bataille et les issues possibles d’un conflit futur jugé inévitable dans un théâtre de guerre immense. Les analyses produites dans cette optique sont d’abord des ouvrages de géographie militaire, ou bien des cours, prodigués notamment à l’École supérieure de guerre. Ce sont également les très nombreux rapports et analyses sur l’organisation des armées ou la situation politique des pays. Ce sont les cartes physiques et militaires tracées par les officiers des missions militaires françaises à l’étranger. Ce sont donc des travaux rédigés par des officiers qui ne sont pas forcément des géographes mais ont été familiarisés dans leur parcours professionnel avec les notions de la géographie. Ces sources sont déposées au Service Historique de la Défense, où elles constituent une partie de la série M (Dépôt de la Guerre) et de la série N (IIIe République) (5).



Parmi les principaux thèmes que l’on peut dégager de cette littérature géographique se trouve celui des opérations militaires dans les « marches militaires », où l’instabilité politique est propre aux zones périphériques. Apparaissent aussi les connaissances sur les capacités militaires des États, sur les missions attribuées aux armées en fonction de l’expérience historique des conflits. Les préoccupations qui en ressortent sont donc bien sûr avant tout militaires : au regard des guerres passées, comment s’organisent les grandes lignes de défense et les voies d’offensives, dans quelles conditions se dérouleront les prochains conflits ? Ces interrogations sont construites dans une approche déterministe de la géographie, alors largement en vigueur, qui veut que les combats se reproduisent dans les mêmes lieux. À cela s’ajoute que l’affrontement entre « Slaves et Germains » paraît inéluctable aux témoins de l’époque, témoins dont les observations et les réflexions sont établies presque exclusivement à l’aune du danger allemand.



Il en ressort que les études des géographes militaires sont principalement descriptives. La morphologie du terrain, la géologie, sont étudiées et invoquées comme causes de facteurs humains, politiques et militaires. La dimension périphérique des territoires étudiés prend alors toute son importance (I). Il s’en suit, dans les études de géographie militaire, que l’Europe orientale a une vocation de terres d’invasion (II). C’est dans cette situation que le facteur militaire et humain s’inscrit dans l’espace géographique (III). Il sera question d’essayer de comprendre, dans cet article, dans quelle mesure ce schéma déterministe omniprésent dans la littérature géographique imprègne les attachés militaires, les officiers-stagiaires ou autres acteurs militaires envoyés en mission en Europe centrale et orientale et confrontés à l’observation sur le terrain. 



 



I. L’héritage militaire des confins d'Empire : territoires et populations en marge de l'espace européen 



Dans leur description des territoires de l’Europe centrale et orientale, les géographes militaires de la deuxième moitié du XIXe siècle soulignent souvent le caractère de régions de confins. Leur préoccupation initiale est en effet de délimiter les contours de l’Europe centrale. C’est une tâche rendue particulièrement difficile par le caractère tangible des frontières des empires. Dans la lignée des travaux du colonel et influent géographe italien Giovanni Sironi, dont l’œuvre Géographie stratégique est traduite en français et publiée en 1875, l’Europe centrale demeure une notion à la fois géologique et politique. Pour Sironi, elle est le « centre de gravité de l’Europe politique, principalement depuis la reconstitution du nouvel empire germanique, qui ne manquera pas de faire sentir son influence sur tous les points du continent, et qui probablement en sera longtemps le régulateur (6) ». Vers ce centre politique aux contours imprécis, les principales voies de communication convergent. Cette vision est largement reprise par les géographes militaires français qui insistent sur l’importance de la puissance centrale germanique, donc sur un facteur essentiellement politique, ainsi que sur le poids des alliances militaires entre États.  Dans une série d’ouvrages publiés dans les années 1880, un officier français, le commandant du génie Anatole Alexandre Marga (7) constitue une œuvre de géographique politique, dans laquelle il établit un découpage du continent européen en fonction des États qui le composent (8). En procédant ainsi, c’est-à-dire en incluant une série de facteurs physiques et humains, notamment politiques et économiques, il prend ses distances avec la pensée déterministe dominante qui assujettit la géographie militaire à la géologie (9).



Un autre géographe militaire, le commandant Olivier Barré, insiste quant à lui sur la valeur stratégique des grandes voies de communication, notamment des lignes et des nœuds ferroviaires (10). Chez lui, la vision politique de la géographie européenne s’inscrit dans une relation privilégiée donnée à la géologie, mais c’est encore plus le cas avec l’importance qu’il donne aux voies de communication. Très présente chez le commandant Barré, la géographie physique comme élément d’explication de l’organisation de l’espace et des transports par l’homme imprègne également les travaux des géographes militaires. C’est notamment le cas des officiers enseignant à l’École supérieure de Guerre, ce qui permet une diffusion dans le milieu militaire de cette mise en pratique de l’observation scientifique à l’observation réelle sur le terrain militaire (11).



Un temps fidèle à la méthode classique d’un Olivier Barré, consistant à analyser la géographie physique avant l’organisation humaine de l’espace et, donc, d’en tirer des réflexions stratégiques, le commandant Gustave-Léon Niox se convertit à la conception d’Anatole Marga à la fin des années 1880, délaissant la relation entre la géologie et les questions militaires (12). Cet officier est certainement le géographe militaire le plus influent (et le plus connu aujourd’hui) car c’est un auteur prolifique. En plus de ses cours de géographie militaire à l’École supérieure de Guerre à partir de 1876, il s’engage dans une production synthétique importante dont la pièce-maîtresse est une Géographie militaire en 7 volumes. Le découpage géographique opéré par l’auteur veut que l’Europe centrale occupe deux volumes, les tomes 3 (Allemagne, Hollande, Danemark) et 4 (Autriche-Hongrie). Au fil des rééditions, l’œuvre est remaniée en fonction de considérations géographiques et stratégiques. Ainsi, dans l’édition de 1891 du troisième volume, la Russie occidentale se retrouve-t-elle étudiée avec l’Allemagne (13). Par ailleurs, dans l’édition de 1893 du tome 4, l’Autriche-Hongrie figure avec les Balkans, lesquels faisaient autrefois partie du volume consacré à l’Europe orientale et au Bassin méditerranéen. Ce cinquième volume inclut en 1887 le Bassin méditerranéen et le Levant (14).



Le facteur géologique est clairement pris en compte dans ce découpage mais aussi, de façon plus déterminante, les États et leurs frontières qui séparent des cultures différentes influencées par les données géographiques. Une différence politique et culturelle est donc ainsi établie entre la partie occidentale de l’empire tsariste, peuplée majoritairement de Polonais, de Finlandais et de Baltes, et la Russie elle-même. Il faut ajouter que c’est dans cet espace que sont appelés à se dérouler les conflits à venir. Dans l’introduction de son quatrième volume de la Géographie militaire, Niox justifie la juxtaposition de l’empire d’Autriche-Hongrie avec la région des Balkans par l’opinion selon laquelle cette dernière prolonge le premier. L’auteur considère en effet que, si l’Autriche et la Hongrie sont logiquement partagées en deux États que la géologie et la géographie divisent naturellement, ce qui détermine d’ailleurs des cultures différentes dans chaque entité de l’empire (15), les populations de la Hongrie et des Balkans méritent en revanche d’être réunies dans son ouvrage, du fait de leur proximité et de ce que Niox qualifie « d’affinités entre les races » (16). 



« En étudiant les conditions géographiques de son territoire, on lira clairement cette page de l’histoire moderne de la monarchie austro-hongroise (17) », ajoute-t-il pour expliquer que les frontières de l’empire des Habsbourg sont conventionnelles et imprécises, car les éléments communs entre les habitants de Transleithanie et ceux des Balkans sont nombreux tandis qu’à l’intérieur des frontières, l’empire multiethnique renferme des entités culturelles différentes. Surtout, la division géographique et culturelle justifie l’autonomie politique concédée par Vienne à la Hongrie par le Compromis de 1867. Il est alors possible de parler de vision déterministe de la géographie, étant donné que la géologie demeure à l’origine de la distinction très nette opérée entre les deux parties de l’empire austro-hongrois. Il faut toutefois certainement y discerner l’influence de la géographie allemande, par le lien établi avec l’histoire. La géographie physique, en particulier la géologie, n’est donc pas pour Niox la seule donnée prise en compte, même si elle demeure à l’origine de la division politique.



Cette vision géographique ne s’applique pas chez Niox qu’à l’empire d’Autriche-Hongrie mais également, comme nous l’avons vu, à l’empire russe, réparti en Europe centrale pour sa partie occidentale et en Europe orientale pour la Russie. Cela explique pourquoi, dans son Résumé de géographie de 1893, le géographe inclut l’Empire russe dans l’Europe orientale. Cela tient au fait que pour lui, le continent européen est partagé en deux parties distinctes, le long de ce qu’il qualifie d’ « isthme slave », une ligne de partage « longue de trois cent lieues au plus », entre la mer Baltique à la mer Noire, « des boucles du Niémen, ou de la Vistule, aux bouches du Dniepr, ou du Dniestr ». Cette zone laisse à l’est un ensemble de vastes plaines, des territoires immenses appartenant à l’empire russe et qui ne font plus partie du continent européen, sans toutefois être situées en Asie (18). On se situe donc bien dans une région de confins, dans ce que le géographe appelle une « zone de contact entre Europe centrale et orientale ». C’est une région dépourvue de « bouleversement géologique », dans laquelle l’auteur trouve une réelle « homogénéité des populations » (19).



Comme tous les géographes qu’ils soient militaires ou non) de l’époque, Niox fait intervenir la notion de civilisation, dans le droit fil des travaux de Théophile Lavallée, auteur d’une omniprésente Géographie physique, historique et militaire, parue en 1832. Cette prise en compte du fait civilisationnel domine en effet les études géographiques dans la période 1870-1914 (20). Elle perdure même au-delà de la Première Guerre dans le discours politique et dans l’opinion publique. Le principe veut que les populations soient divisées en fonction de leur degré estimé de civilisation. Cette approche se retrouve de manière caractéristique dans la description par les voyageurs français de régions situées dans les périphéries de l’Europe. Comme nous le verrons, ces régions sont souvent considérées comme des zones d’instabilité économiquement arriérées, renfermant les populations les plus pauvres et subissant de plein fouet les rivalités des puissances. Cette manière de voir inspirée par la géographie a des répercussions durables dans les esprits. Dans les années 1920, elle inspire par exemple chez une partie des hommes politiques européens quelques certitudes sur les limites de l’Europe. Pour beaucoup, la frontière, barrière politique et géographique, marque alors la séparation entre la civilisation européenne et l’Union soviétique voisine, héritière de l’empire russe dans l’Europe orientale des géographes militaires (21).



Les archives militaires montrent clairement que les analyses des officiers français envoyés dans la seconde moitié du XIXe siècle dans ces régions périphériques sont imprégnées de cette idée selon laquelle les signes de la civilisation européenne s’estompent à mesure que l’on pénètre en Europe orientale. Les exemples sont nombreux, ils correspondent à l’esprit d’une époque et ne reflètent pas seulement le jugement des militaires. Le mauvais état des routes, la pauvreté des populations rurales, le style des bâtiments religieux et administratifs, marquent le voyageur qui s’éloigne de l’Europe centrale. Pour les officiers, ces régions de confins ont la particularité d’avoir une vocation toute militaire. Passage obligé des armées d’invasion, elles sont en même temps, en tant que « marches militaires », des espaces de circulation et de cantonnement des troupes en temps de paix.



Le déterminisme géographique imprègne certainement, à des degrés divers, les géographes militaires mais ces derniers savent également, à l’image d’un Marga, intégrer la complexité des données physiques et humaines dans leurs études. Les théâtres d’opérations doivent leur importance à leur valeur stratégique et sont indissociables du contexte géopolitique européen. Il demeure néanmoins que l’expérience historique des conflits indique des modèles que les militaires analysent en fonction de connaissances encyclopédiques, mais aussi par l’étude des sources (cartes) et la recherche documentaire (travaux sur le terrain, étude des armées étrangères).



 



II. Des régions à vocation militaire : des voies d'invasion E



Les confins d’Empire de l’Europe centrale paraissent étudiés en fonction de certaines particularités politiques, historiques et militaires récurrentes. Ils sont décrits comme étant le théâtre privilégié des conflits armés et le passage obligé des armées d’invasion. En même temps, ces régions sont l’objet de troubles politiques, souvent en relation avec les mouvements des minorités nationales au sein des empires. Sur la carte européenne, l’empire allemand fait figure d’une stabilité certaine. Il occupe le cœur de l’Europe centrale mais, comme tout géant politique et aussi hégémonique soit-il, ses contours sont instables. La stabilité de l’empire d’Autriche-Hongrie et de l’empire russe, au moins dans leurs confins, est plus précaire car le centre politique se trouve plus lointain (c’est le cas de Saint-Pétersbourg) et pratiquement bicéphale, dans le cas de la Double-Monarchie. Ajoutons que, plus que toutes les autres, les périphéries de l’empire ottoman, sur le continent européen, subissent une instabilité chronique car elles cumulent toutes les fragilités possibles : nationalités remuantes, convoitise des voisins autrichien et russe, expérience des invasions et des conflits.



De 1870 à 1914, une idée omniprésente dans les ouvrages de sciences politiques et qui semblent être partagée par les observateurs militaires est celle du caractère inévitable d’un conflit à venir entre les Russes et les Allemands, entre les « Slaves et les Germains ». Le rapprochement diplomatique esquissé à l’initiative du chancelier allemand, Otto von Bismarck, à l’occasion des alliances militaires défensives unissant l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et la Russie, ne trouble pas les observateurs persuadés que les deux empires voisins et rivaux viendront à s’affronter. Le colonel Sironi se fait l’écho de cette certitude lorsqu’il écrit : « Malgré leurs échanges de protestations d’amitié, les deux colosses du Nord se regardent avec une jalousie mal déguisée et se précautionnent l’un contre l’autre (22). »



Ce genre de considération ne fait que s’amplifier à partir de la fin des années 1880, dans la période où se dessine et se concrétise l’alliance franco-russe. La France devenant l’alliée de la Russie dans la perspective d’un prochain conflit  avec l’Allemagne, la question des territoires occidentaux de l’empire russe, spécialement le « Royaume de Pologne », prennent une importance considérable et inédite auprès de l’état-major général de l’armée française (23). Nous aurons l’occasion de revenir sur la « question polonaise » et sur les analyses que les militaires français ont produites au sujet du comportement supposé des troupes et des populations de cette région en cas de conflit. Il demeure que, dans la littérature de géographie militaire, le contexte politique apparaît déterminé par des conditions géographiques propices aux mouvements des armées. Sur ce sujet, une forte corrélation apparaît généralement entre les considérations des géographes et celles des officiers envoyés en mission en Europe orientale. Dans les ouvrages des premiers comme dans les rapports des seconds, les mêmes théâtres d’opérations, les mêmes voies d’invasion apparaissent, à l’appui des expériences militaires historiques. Logiquement, les confins d’empires ont aussi vocation à demeurer des lieux de concentration des forces.



La profondeur du territoire de la Russie est d’emblée évoquée, chez un auteur comme Léon-Gustave Niox, pour témoigner du danger auquel une armée, (en l’occurrence allemande) s’exposerait si elle s’y aventurait. La campagne de 1812 est l’événement militaire le plus abondamment cité (24). La base d’opération des armées allemandes sur la frontière russe est située sur quatre points : Koenigsberg, Dantzig (Gdansk), Thorn (Toruń) et Posen (Poznan), pendant qu’en territoire russe, un réseau de lignes ferrées très écartées converge vers Varsovie. La première ligne de défense est garantie par des fleuves : le Niémen, le Narew, la Vistule, Varsovie étant le centre principal de concentration russe en Pologne. Toutefois, la Vistule est plutôt considérée comme une ligne de défense russe de mauvaise qualité car les armées allemandes et autrichiennes pourraient opérer par ses deux rives. Niox considère que les attaques allemandes doivent avoir lieu de manière prévisible autour de la Vistule, de manière à rendre possible une jonction avec les Autrichiens sur le Bug (25).



Si l’on prend maintenant la situation inverse, c’est-à-dire la progression des troupes russes vers l’Allemagne, il s’agit de la route partant de Vilnius jusqu’à Koenigsberg et de celles partant de Varsovie vers Thorn ou Berlin. Les territoires concernés sont la Podolie, la Bessarabie (Moldavie) et la Polésie, la région comprise entre Varsovie et Brest-Litovsk, que traverse le chemin de fer passant par Bialystok et où sont concentrées les armées russes opérant sur la Vistule.  Face à l’Autriche-Hongrie, c’est la Hongrie elle-même, de même que la Galicie, que les auteurs estiment être les principaux théâtres d’opérations les plus probables. La Galicie, toujours chez Niox, constitue en effet la plus importante « zone de concentration des armées austro-hongroises au point de vue de la défensive comme à celui de l’offensive (26) ».



L’essentiel des descriptions géographiques concerne les voies stratégiques, principalement les voies de chemin de fer, et les lignes de défense, en particulier dans la vaste zone située de part et d’autre de la frontière séparant les empires allemand et russe. Cette question a longtemps revêtu une importance capitale pour les militaires français, en particulier pour les attachés militaires et les officiers en mission dans l’empire russe entre la fin des années 1880 et 1914. Ainsi, le général Louis Moulin, qui a passé la majeure partie de sa carrière militaire à Saint-Pétersbourg, où il est devenu attaché militaire, n’a cessé de pousser le gouvernement russe à développer son réseau de voies ferrées et de routes dans les territoires occidentaux de l’empire. Quantités de rapports adressés au Deuxième Bureau de l’état-major général témoignent de son activité inlassable (27). Au début des années 1910, le lieutenant-colonel Maurice Janin, futur chef de la Mission militaire française en Russie pendant la Grande Guerre, et pour l’heure accueilli en tant qu’officier stagiaire à l’Académie impériale de Guerre Nicolas, à Saint-Pétersbourg, est un auteur prolifique. En 1910 et 1911, pas moins de onze de ses études très précises portent sur la mobilisation et les transports russes, vingt-deux sur la couverture, vingt-et-une sur la frontière orientale allemande. La question des chemins de fer russes prend chez lui une importance particulière, c’est en cela que ses rapports succèdent à ceux du général Moulin (28).



Préoccupés également par les moyens de la défense de l’empire russe dans sa partie la plus occidentale, les auteurs de géographie militaire analysent méticuleusement la question des saillants en s’attardant sur leur caractère dangereux. Il n’est d’ailleurs pas rare de trouver des contradictions dans les conclusions portant sur ce thème, parmi les auteurs de livres ou de rapports (29). C’est un point essentiel en ce qui concerne le paysage polonais, auquel s’étaient déjà intéressés les militaires français sous l’Empire. Le dispositif de défense du duché de Varsovie s’appuyait alors sur les forteresses de Thorn (quasiment à la frontière germano-russe un siècle plus tard) et de Modlin, pendant que la forteresse de Zamosc, située dans un district constituant un saillant vers l’extérieur, devait permettre aux troupes françaises, toujours sous l’Empire, de soutenir une offensive (30). Au tournant des XIXe et XXe siècles, la configuration géopolitique avait évolué, les frontières avaient changé mais la partie polonaise des empires allemand et russe conservait toute son importance stratégique.



Ces zones frontalières sont étudiées pour leur vocation de « marches militaires » et ne méritent l’intérêt des officiers que pour les conséquences que cette position entraîne dans le domaine militaire. Dans les années qui précèdent la Grande Guerre, les officiers français en mission dans l’armée russe établissent par exemple des rapports circonstanciés sur la concentration de l’armée allemande ou sur la position des troupes russes. Les études des géographes portent cependant principalement sur les confins de l’empire austro-hongrois, région au relief plus complexe.



Pour le colonel Niox, la Galicie et la Bukovine, que l’auteur rattache à la Hongrie sur le plan stratégique, constituent les « marches » de la plaine hongroise. La Galicie apparaît alors comme le théâtre de guerre le plus important. Il est certainement le plus observé, aussi bien de la part des géographes que des officiers en mission. Le colonel Janin se fait ainsi remarquer de l’état-major général français, au cours de son stage, grâce aux rapports circonstanciés qu’il rédige sur la concentration des armées austro-hongroises et allemandes (31). La partie orientale de la Galicie fait finalement figure de « proie facile » pour les armées russes, tandis que sa partie occidentale peut être le point de départ d’une offensive autrichienne contre les Russes, ou un point de concentration défensive (32). Il convient surtout de noter qu’à l’appui de ces affirmations, l’étude des fleuves, des frontières naturelles et des voies de communications constitue l’essentiel des analyses de géographie militaire.



Les considérations stratégiques envisagent tous les cas de figure possibles dans les futures opérations militaires. Quel que soit l’auteur, les informations concordent sur ce sujet. Sont indiqués les points d’appui des différentes armées, l’état des places fortes, les directions en fonction des voies de communication et l’issue possible des conflits. Les auteurs appuient leurs observations sur de nombreux exemples historiques tirés des précédentes campagnes militaires, ou même de celles des siècles précédents. Ainsi, pour Niox, dans le cas d’une invasion russe par la Galicie, la plaine hongroise deviendrait le théâtre décisif de la guerre (33), les Russes devant éviter d’allonger dangereusement leurs lignes de communication par une marche sur Vienne. La défense austro-hongroise serait en tout cas victorieuse, à croire l’expérience des conflits passés impliquant des offensives russes. Les analyses s’appuient donc largement sur des synthèses historiques et des descriptions précises des opérations militaires dans ces régions. C’est en particulier la campagne de 1848-1849, durant laquelle les armées autrichiennes et russes étaient venues à bout de l’insurrection hongroise, qui sert de référence.



La description des lignes de défense constitue une part importante des connaissances diffusées par les géographes militaires. Dans le cas de la Galicie, les éléments importants sont principalement Cracovie défendue par ses 33 forts, et la frontière que forme la Vistule. Les villes de Przemysl et de Jaroslav, sur le chemin de fer Cracovie-Lemberg qui mène vers Moscou, sont indiquées comme étant protégées par des forteresses mais il est bien noté qu’il n’existe pas d’obstacle naturel sur la frontière austro-russe (34). Les Russes peuvent être disposés dans cette région en quatre lignes offensives : Pologne (Varsovie-Olmütz), Volhynie, Podolie, Bessarabie. C’est l’exemple de la campagne de 1848-1849 qui est rappelé pour décrire les particularités de la voie menant de Kiev à Budapest par les Carpates. La Transylvanie est décrite comme une place d’armes en forme de bastion. Les Alpes de Transylvanie, avec la Porte trajane, évoquent en effet le souvenir du passage des troupes russes en 1849. Le Feld-maréchal russe Paskievitch avait alors occupé la Moldavie et la Valachie. L’importance stratégique de la région est soulignée dans la mesure où elle permet à l’Autriche-Hongrie des opérations en Roumanie vers Bucarest ou Jassy (35). Le modèle devient ici celui des conflits de 1854 et de 1877-1878, au cours desquelles des mouvements de partisans ont été opérés contre les troupes russes. La situation difficile de la Roumanie face à l’Autriche-Hongrie en cas d’une offensive venue, cette fois-ci, de l’ouest, est également soulignée, tant la Moldavie et la Valachie peuvent être aisément prises à revers. Ces analyses sont rendues possibles au regard des conflits passés dans les Balkans, qui font l’objet de compte-rendu très poussés. À titre d’exemple, dès 1879 a été publiée une Étude stratégique sur la Guerre d’Orient de 1877-1878. On y trouve une description très précise de l’invasion russe. Dans ce conflit, les difficultés rencontrées dans le franchissement des cols des Balkans et, plus encore, les épreuves du siège de Plewna (Plevna), tenue par l’armée ottomane, ont laissé du côté russe une impression de « cauchemar de la guerre ».



L’expérience historique et les caractéristiques géographiques commandent donc les opérations militaires. Les attachés militaires y prêtent une attention particulière. C’est notamment le cas de l’attaché militaire français en Autriche-Hongrie, comme le montre sa correspondance des années 1911 et 1912. Dans son commentaire des grandes manœuvres de l’année 1912 de l’armée impériale et royale, adressé au ministère de la Guerre, le commandant Hallier commence par s’étonner du choix du lieu choisi. Les manœuvres étaient initialement prévues en Transylvanie mais devaient finalement avoir lieu dans plaine de Hongrie, au nord du Maros et à l’est de la Theiss. Un des partis débouchant de la vallée du Maros, après avoir forcé le passage, devait se porter à l’attaque dans l’angle Maros-Theiss. L’attaché militaire, convaincu que des manœuvres en plaine n’avaient que peu d’intérêt, ne cachait pas sa satisfaction de voir que la région était suffisamment accidentée pour « masquer la vue » et rendre difficile toute direction d’ensemble. L’initiative des différents échelons pouvait donc être testée à l’occasion de ces manœuvres (36).



Il faut cependant reconnaître que les revues militaires françaises de l’époque commentent généralement de manière extrêmement descriptive les manœuvres des armées d’Europe centrale de cette époque. Autrement dit, l’importance du relief, des frontières et les considérations géographiques apparaissent très peu, l’accent étant porté sur la tenue des troupes dans la manœuvre et la qualité de l’armement (37). En dépit de l’abondance de commentaires sur les confins de l’empire austro-hongrois, la partie occidentale de l’empire russe, spécialement les régions polonaises et baltes, semblent toutefois être le théâtre essentiel du futur duel entre les « Germains et les Slaves ». Une raison essentielle est dans qu’il implique l’armée allemande. Dans ce cas de figure, l’alliance franco-russe est une composante majeure de la réflexion française et, si l’on peut dire, la géographie commande les opérations militaires davantage que l’histoire. En mars 1914, d’ailleurs, l’état-major russe estime que l’Allemagne attaquerait au nord en débordant la Polésie, pour développer son attaque en direction de Saint-Pétersbourg et de Moscou, que les opérations méridionales ne seraient que secondaires (38). Il convient de préciser que les militaires français en poste en Russie ne partagent pas forcément ce point de vue. Selon le lieutenant-colonel Janin, si les Russes sont persuadés de la nécessité de concentrer la plus grande partie de leurs forces contre l’Allemagne, ils devraient utiliser une partie des troupes sur des « théâtres secondaires » et « pour des raisons d’ordre intérieur », c’est-à-dire pour surveiller les populations allogènes, particulièrement les Finlandais et les Polonais (39).



La géographie et l’histoire déterminent les opérations de guerre, chez les militaires français, en fonction de la logique selon laquelle les batailles se produisent sur des terrains connus car ils sont propices au déroulement des combats. De là découle l’intérêt pour les lignes de défense et les voies de communication, dans un contexte géopolitique donné. De plus, les alliances militaires, si elles restent dissuasives, sont destinées à fonctionner. L’état matériel et moral des populations, la composition des armées deviennent des données essentielles qu’il faut connaître pour espérer prévoir le déroulement des futures opérations de guerre. C’est dans ces questions que la compétence des officiers en mission se révèle particulièrement utile.



 



III. Populations et données militaires aux yeux des observateurs français 



C’est d’abord à partir d’un point de vue stratégique que les auteurs d’ouvrages ou de rapports analysent les caractéristiques des populations civiles et les effectifs militaires de la région. Autrement dit, leurs descriptions doivent conduire à dégager des conséquences à valeur militaire et à tirer des conclusions utiles pour les intérêts français. Conformément aux pratiques de l’époque, les géographes militaires classent les populations en groupes de nationalités et, d’abord, en catégories ethniques, à partir des groupes linguistiques auxquels elles appartiennent. Ensuite seulement, les auteurs prennent en compte leur mode de vie ou leur caractère.



Le grand ensemble de l’Europe centrale étant traversé par le Danube, dans sa partie méridionale, le fleuve est montré comme une liaison entre les trois principales populations groupées sur ses rives : les Allemands, les Magyars et les Slaves. D’autres divisions surviennent ensuite, en relation avec les divisions politiques. Dans la partie occidentale de l’empire russe, les populations sont également étudiées ou décrites en fonction des divisions linguistiques, qui correspondent aussi à des divisions ethniques et à des habitudes culturelles différentes. Ce sont les Finnois, les Lithuaniens, les Polonais, les Juifs, les Allemands et les populations russes : Grands Russes, Russes blancs et Petits Russes ou Ukrainiens (40).



Si l’on prend l’exemple de ces derniers, on voit que le colonel Niox identifie l’Ukraine en tant que pays-frontière, une terre de confins, comme son nom l’indique, où se réfugient et se croisent, selon lui, « tous les misérables de chaque État limitrophe », à savoir les Russes, les Polonais, les Turcs et les Tatars (41). Les conséquences militaires ne tardent pas à être exposées, à partir de causes purement géographiques et historiques mais d’autres vont plus loin que le colonel Niox. Le commandant Malleterre, qui n’est autre que son gendre, rédige une dizaine d’années plus tard, certainement en 1902, un rapport manuscrit intitulé : « Les Cosaques et l’expansion russe ». Il écrit ainsi que l’expansion de la Russie n’a été rendue possible que grâce à l’utilisation des Cosaques. De la même manière que l’expansion de l’empire mongol s’explique par l’utilisation de la cavalerie, l’auteur fait ici référence à une manière de faire la guerre mais il s’attache à établir un lien direct et étroit avec les facteurs géographiques. « Faire l’histoire de la conquête et de l’expansion russe, c’est faire l’histoire des cosaques », conclut-il en expliquant le rôle passé et présent de cette population de paysans soldats et en tirant des plans sur les capacités de l’armée russe dans l’avenir (42).



Il convient de noter que les observateurs mentionnent systématiquement l’arriération économique de cette partie de l’Europe, pour en expliquer les causes ou les effets et, surtout, les implications visibles dans le domaine militaire. Pour prendre deux exemples différents parmi beaucoup d’autres, la Polésie est montrée comme extrêmement inhospitalière. Marécageuse et couverte de forêts, la circulation des troupes y est rendue impossible par le manque de routes, le pays lui-même étant même impraticable la plus grande partie de l’année (43). La question ne soulève donc qu’un intérêt limité. En revanche, le passage trop fréquent d’armées en guerre peut avoir des conséquences néfastes sur le développement économique d’un pays. C’est le cas en Roumanie où les voies d’invasion influencent le comportement des populations paysannes, décrites comme nonchalantes et trop résignées à la fatalité de la guerre destructrice pour travailler au développement de ses ressources agricoles (44).



Le mal qui frappe le plus fréquemment la population de l’Europe centrale et orientale est donc la misère, laquelle a souvent pour corollaire l’oppression de la part d’un voisin puissant ou d’un seigneur, souvent étranger. Toujours chez Niox, dans le cas de la Lituanie, où la population est « misérable », le paysan est « asservi au gentilhomme polonais ». Cette situation, telle qu’elle est décrite, est à rapprocher de celle de la Galicie (45). Dans le cadre de l’alliance franco-russe, l’intérêt de la France est double : il s’agit de vérifier que l’armée du Tsar devient la plus efficace possible et que, dans les régions les plus exposées en cas de guerre avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, les peuples allogènes de l’empire russe adhèrent à la politique du tsar. Le manque de sympathie, voire l’animosité réelle de ces populations sont parfaitement ressenties par les militaires français. Au minimum, une certaine loyauté est souhaitée, d’autant plus que la France fait elle-même l’objet de la méfiance des populations allogènes à l’époque de l’alliance franco-russe.  Les diplomates et les consuls s’en font largement l’écho. Les descriptions des armées, en particulier des soldats qui les composent, sont imprégnées des points de vue généralement portés sur les populations. Aux yeux des observateurs français, le soldat russe, principalement issu de la paysannerie, porte dans son comportement devenu héréditaire les traces de sa condition sociale. « Le conscrit apporte au régiment les marques de la servitude qui coule dans ses veines » écrit le lieutenant Vergé en 1906, en estimant que cette docilité a des retombées très positives pour l’armée (46).



À partir de 1908, dans le cadre du renforcement de l’alliance franco-russe, des officiers brevetés français sont envoyés en stage pour une durée de six mois dans un corps de troupe de l’armée russe. Leur mission est de renseigner l’EMA sur la situation de l’armée qui les invite, ainsi que sur l’état d’esprit des militaires russes et de leur population. Toutefois, pour des raisons budgétaires, leur nombre est limité à trois par an. Parmi eux, outre le lieutenant-colonel Janin, se trouvent des stagiaires envoyés dans les circonscriptions militaires de Varsovie, de Vilnius et de Kazan (47). Ces officiers décrivent également le soldat russe comme « passif et discipliné », en mauvaise condition physique lorsqu’il n’est pas malade. Les commentaires sont cependant bienveillants pour les soldats. En revanche, l’officier fait souvent à leurs yeux l’effet d’un cadre paresseux et en-dessous de sa tâche (48) Contrairement aux rapports précédents du général Moulin, le ton est désabusé. Ainsi, Janin estime que les Russes ne combattront les Allemands qu’à contrecœur, contrairement aux Autrichiens qu’ils haïssent (49). Il en vient à dresser un tableau très pessimiste d’une armée commandée par des officiers craignant une défaite dès le début de la campagne, en raison de la lenteur de la mobilisation et des troubles qui ne tarderaient pas à se répandre dans l’empire, y compris à Saint-Pétersbourg et à Moscou (50). En gardant à l’esprit l’intérêt stratégique de la France, les militaires cherchent autant que possible à sonder l’état d’esprit des populations, sans établir forcément de contact direct mais au fil de conversations avec d’autres militaires et par la consultation de toute la documentation disponible, à commencer par la presse. Cette démarche est perceptible dans les ouvrages de synthèse et les articles de revues et, davantage encore, dans les rapports qu’envoient les officiers sur place. L’instabilité politique des confins d’empire préoccupe les observateurs militaires, en raison de la diversité des peuples et de la complexité des situations territoriales. Pour ces auteurs, il s’agit d’un élément majeur à prendre en compte en cas de conflit. Il en ressort une attention particulière portée aux revendications des nationalités et au risque de guerre que le problème implique. À titre d’exemple, en 1903, le commandant Laguiche, attaché militaire à Vienne, rédige de longues études alarmées et très documentées, rappels historiques à l’appui, sur la « haine irréductible » que les nationalités de Transleithanie (Slovaques, Roumains, Saxons de Transylvanie, Serbes de Hongrie) éprouvent envers les Magyars. Il évoque même le risque de « guerre civile » que provoque un projet de loi déposé à Budapest et visant à rendre la langue hongroise obligatoire dans l’armée (51)



Les rapports à caractère politique de l’attaché militaire concernent également la situation des Polonais dans le contexte de la situation russe de 1905, au regard des relations entre Polonais et Ruthènes dans la « Pologne autrichienne ». Là encore, c’est la question de la loyauté (celle des Polonais très autonomes à qui « il ne […] manque qu’une armée pour être indépendants » envers l’Autriche-Hongrie, celle des Ruthènes envers la Russie) qui fait l’objet de la plus grande attention (52). Le thème prioritaire est ici la politique militaire des États. Il exige un travail de synthèse pour lequel l’officier rédacteur emprunte aux informations recueillies dans la presse et par le canal diplomatique. Les données géographiques ne constituent plus qu’une dimension comme une autre pour une analyse essentiellement politique. En cela, on peut se demander si le militaire est le mieux placé pour ce type d’analyse dans la mesure où, il faut le rappeler, il travaille dans l’obsession de la sauvegarde des intérêts stratégiques français et peut donc avoir tendance à tirer des conséquences d’informations reçues dans un schéma établi au préalable. On peut citer l’exemple d’un officier français séjournant à Varsovie en 1902, le capitaine Mahon. Informé de l’influence grandissante de la Russie en Galicie orientale, au détriment de la noblesse polonaise, et de l’agitation séparatiste en progrès dans cette partie de l’empire austro-hongrois, il en conclut que ces éléments sont susceptibles de gêner la concentration de troupes autrichiennes (53).



Autre exemple de conclusions tirées au prisme des intérêts français, ce jugement de Gustave-Léon Niox, qui décrit une Pologne très sévèrement soumise à la Russie mais insiste, dans son édition de 1891, sur la réalité d’une amélioration des relations entre les « Polonais russes » et l’empire tsariste. Il en appelle également à la réussite de l’alliance franco-russe. Ce rapprochement nécessaire, estime-t-il, doit passer par une réconciliation des Polonais avec la Russie. C’est dans l’intérêt de la France et dans celui des Polonais : « Le plus grand ennemi des Polonais n’est pas le Russe qui l’opprime, mais bien l’Allemand qui le supprime ou le dénationalise… C’est de ce côté qu’est le plus grand danger. Pour le combattre, les Polonais doivent s’appuyer sur les Russes qui, de leur côté, ont intérêt à constituer sur leur frontière occidentale, un boulevard contre l’invasion pacifique ou armée de l’Allemagne (54). » Cette considération politique correspond exactement à l’analyse que fait le consul général de France à Varsovie en 1914, au moment du déclenchement de la guerre, en actant une évolution des mentalités parmi les Polonais (55). Les militaires français, tout comme les politiques, ont donc tendance à laisser de côté la question polonaise dans l’intérêt de l’alliance franco-russe. C’était le cas du général Moulin qui, à la fin de novembre 1905, invitait le gouvernement français à ne pas soutenir l’autonomie de la Pologne. Il convenait en effet de ne pas affaiblir la Russie face aux Empires centraux et d’éviter un conflit entre ces puissances, la France risquant de s’y trouver engagée (56).



Les analyses des militaires sur l’état d’esprit des populations de la partie occidentale de l’empire russe se révèlent cependant parfois contradictoires. Celles des officiers-stagiaires dans l’armée russe, généralement débarrassées des contingences géopolitiques et basées sur l’observation pure, différent des jugements d’un Niox ou d’un Moulin. En mars 1911, le capitaine Marchal, en stage à Varsovie dans la 3e division de la Garde, constate la mauvaise disposition des Polonais envers les Russes et note à l’inverse une certaine sympathie de leur part pour les Allemands et les Autrichiens (57). Le rapport du capitaine Perchenet, en octobre 1912, à l’issue de son séjour à Vilna, évoque quant à lui le manque de contact entre les officiers de l’armée russe et la population. Il fustige au passage les « traits de vivacité un peu excessive » du général Rennenkampf dans ses rapports avec la population juive ou polonaise (58). Quant au lieutenant-colonel Janin, dont les rapports sont particulièrement appréciés au 2e Bureau de l’état-major, nous avons vu son pessimisme. Il n’attend aucune résistance de l’armée russe cas d’invasion allemande, les troupes des régions frontières battant en retraite, sans s’engager à fond. Selon ses informations, elles se concentreraient en arrière de la ligne Boug, Narev, Bobr, Niémen (59).



Il s’agit bien sûr d’impressions après conversations avec d’autres officiers et lecture de la presse qui ne permettent certainement pas d’augurer des réactions des populations au déclenchement de la guerre. D’ailleurs, les nationalités de l’empire ont fait preuve de loyalisme en août 1914. Il n’en demeure pas moins que les rédacteurs de ces rapports s’appuient sur les différences visibles dans la population de l’empire. Il faut convenir du fait que l’histoire des conflits et l’expérience que l’on peut en tirer apparaît de manière moins systématique dans les rapports des officiers sur place que dans les ouvrages de géographie militaire, supposés plus propices à une réflexion en profondeur. Il faut donc nuancer l’idée selon laquelle les officiers du tournant du XXe siècle déterminent absolument leurs analyses des situations présentes en fonction d’invariables géographiques et de leçons tirées des conflits précédents. Chez les officiers en stage dans l’armée russe, l’histoire des conflits passés semble généralement assez lointaine. Ce qui compte, c’est l’actualité présente et les potentialités réelles de l’armée. Toutefois, les officiers en mission en Europe orientale prennent en compte les données politiques et géopolitiques, tout en actant les données géographiques. Leur apport est une compréhension des sentiments des populations et de la logique de la guerre moderne. L’étude reste toutefois aussi descriptive que les ouvrages de synthèse des géographes militaires.



 



Conclusion



Dans la période 1870-1914, époque de véritable essor d’une géographie militaire française en compétition avec la science allemande, la connaissance de l’Europe centrale et orientale connaît une diffusion importante auprès du public civil et militaire. Les ouvrages de synthèse sont imprégnés, à divers degrés et selon les auteurs, d’un déterminisme omniprésent dans la discipline géographique du temps. Il n’est donc pas étonnant de retrouver, dans les écrits des officiers envoyés dans la région, cette empreinte reçue au cours de leur formation. La culture personnelle des officiers, visiblement lecteurs de livres d’histoire et de revues de géographie, mais aussi leur curiosité, leur perspicacité et leur sens de l’observation permettent la production d’analyses pertinentes et visiblement appréciées de l’état-major. Les considérations géopolitiques et le souci de renseigner sur les questions militaires et stratégiques commandent la transmission de connaissances acquises par l’observation, l’étude de documents, l’échange d’informations dans les pays qui accueillent les auteurs militaires. Certes, les préjugés ne sont pas absents du commentaire, le déterminisme du champ de bataille règne toujours mais dans l’ensemble, les renseignements très précis et descriptifs s’avèrent très utiles pour les officiers du Deuxième Bureau de l’état-major. Leurs annotations en attestent. Mais les connaissances géographiques sur la région demeurent insuffisantes. Les officiers envoyés en Europe orientale sont peu nombreux, ce qui montre que, pour le ministère de la Guerre, comme pour celui des Affaires étrangères, une meilleure connaissance de l’Europe centrale et orientale n’est pas une priorité.



Les informations transmises par les militaires en mission sont essentiellement destinées à informer d’autres militaires. Elles sont inévitablement produites à partir de connaissances géographiques très solides qui passent par l’étude des cartes, des voies de communication. Or, la géographie reste un socle, une base de connaissances utiles pour la compréhension des éléments les plus importants à connaître du point de vue strictement français. En effet, l’Europe centrale et orientale n’est jamais étudiée en soi mais dans l’optique des intérêts stratégiques français dans la région. L’important est d’évaluer l’ampleur des difficultés auxquelles seront confrontées les armées allemandes et austro-hongroises face à l’allié russe lors du conflit à venir. C’est ce qui conduit les militaires à aborder ces questions en fonction de réalités géographiques et d’expériences historiques, mais surtout (et c’est là le principal apport) sur la base d’observations dans les domaines les plus variés. Malheureusement, il est permis de penser que ces informations n’ont pas été suffisamment exploitées par la suite.



Note du comité éditorial :  cet article a été publié également dans Géographie et guerre, de la géographie militaire au Geospatial Intelligence en France (XVIIIe-XXIe siècles), sous la direction de Philippe Boulanger, Société de géographie de Paris, Bulletin Hors-série, 2016, p. 45-58.



Notes : 





(1) Sur le développement de ces travaux, voir Boulanger Philippe, La Géographie militaire française (1871-1939), Paris, Économica, 2002.





(2) Boulanger Philippe, « De la géographie dans l’art de la guerre, l’école de géographie militaire française (XIXe-XXe siècles) », Stratégique n° 81, 2001, pp. 15-40.





(3) Voir Foucher Michel, « Transitions géopolitiques dans l’isthme mer Baltique-mer Noire : un entre-deux-mers au devenir indécis », dans Foucher Michel (dir.), Transitions géopolitiques sur le continent européen. Mutations dans l’isthme mer Baltique-mer Noire, Paris, Fondation pour les études de défense, 1998, pp. 11-19.





(4) Sur ce thème, voir Dessberg Frédéric., Schnakenbourg Éric (dir.), Les horizons de la politique extérieure française. Stratégie diplomatique et militaire dans les régions périphériques et les espaces seconds (XVIe-XXe siècles), Bruxelles, P.I.E., Peter Lang, 2011. Sur la perception française de cette région, voir Dessberg F., « Marches d’Empires, États-tampons et zones d’instabilité : une approche française de la notion de périphérie aux XIXe et XXe siècles », dans Schnakenbourg É., Dessberg F. (dir.), La France face aux crises et aux conflits des périphéries européennes et atlantiques du XVIIe au XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, pp. 31-46.





(5) Pour un commentaire sur ces fonds d’archives, voir Bourlet Michaël, « Les périphéries européennes dans les archives de la guerre (1850-1914), dans Schnakenbourg Éric, Dessberg Frédéric (dir.), La France face aux crises… op. cit., Rennes, pp. 183-190.





(6) Colonel Sironi G., Géographie stratégique, traduit par le capitaine Selmer, 3e Génie, Paris, Librairie militaire de J. Dumaine, 1875, p. 88. Publié en Italie en 1873, l’ouvrage s’attache à mettre en avant le rôle stratégique des composantes géographiques du champ de bataille.





(7) Voir l’analyse de son apport à la géographie militaire dans Boulanger Philippe, La Géographie militaire française (1879-1939), op. cit.





(8) Pour la troisième édition, par exemple, Marga Anatole, Géographie militaire. Principaux États de l’Europe, Paris, Berger-Levrault, 1884, 3 volumes.





(9) Boulanger Philippe, « L’un des fondateurs de la géographie militaire française : le commandant Anatole Marga (1843-1906) », Stratégique n° 81, 2001, pp. 47-59.





(10) Commandant Barré Olivier, La géographie militaire, l’Europe centrale, Paris, Berger-Levrault, 1899.





(11) Boulanger Philippe, « De la géographie dans l’art de la guerre… », op. cit., p. 19.





(12) Boulanger Philippe, « L’un des fondateurs de la géographie militaire française… », op. cit., p. 51.





(13) Niox Gustave-Léon, colonel, Géographie militaire, III. Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Russie occidentale, Paris, Librairie militaire de L. Baudoin, 1891, 3e éd.





(14) Niox G.-L., Géographie militaire, IV, Autriche-Hongrie, Balkans, Librairie militaire L. Baudoin, 1893. Voir également Boulanger Ph., La géographie militaire française (1871-1939), op. cit., pp. 78-83.





(15) Niox Gustave-Léon, colonel, Géographie militaire, IV. Europe centrale, Paris, Librairie J. Dumaine, 1887, introductionVoir en particulier l’introduction.





(16) Idem.





(17) Idem.





(18) Niox G.-L., Géographie militaire, III, …, op. cit., pp. 1-2. L’auteur ajoute qu’à cette limite naturelle orientale répond, à l’ouest du continent, un « isthme latin », des bouches du Rhin aux bouches du Rhône. L’Europe centrale, figurant entre ces deux isthmes, est identifiée comme étant l’Europe germanique.





(19) Ibid., p. 275.





(20) Boulanger Philippe, La Géographie militaire française (1871-1939), op. cit., p. 331.





(21) Dessberg Frédéric, « Marches d’empires, États-tampons et zones d’instabilité… », op. cit., p. 41.





(22) Sironi G., op. cit., p. 633.





(23) Borejsza Jerzy, « De Vienne à Versailles, La France et l’Europe face aux questions polonaises » dans Davion I., Kloczowski J., Soutou G.-H. (dir.), La Pologne et l’Europe, du partage à l’élargissement (XVIIIe-XXIe siècles), Paris, PUPS, 2007, pp. 57-89.





(24) Par exemple, Niox G.-L., Géographie militaire, III, …, op. cit., p. 296. On trouve par ailleurs également référence à la campagne suédoise de 1709.





(25) Ibid., pp. 303-304.





(26) Ibid., Géographie militaire, IV, op. cit., p. 136.





(27) Voir à ce sujet Borejsza Jerzy, « De Vienne à Versailles… », op. cit., pp. 83-84.





(28)Sur les rapports du lieutenant-colonel Janin, voir en particulier SHD/DAT, 7N 1485.





(29) Il est par exemple possible de comparer les analyses de Sironi G., op. cit., p. 631, pour qui les deux « grands saillants [sont] l’un […] le territoire russe qui s’avance vers l’Oder jusqu’à trois cents kilomètres de Berlin, l’autre, par la Prusse orientale, vers la Pologne russe et la mer baltique […] saillant russe trop vaste pour être tourné » et Niox G.-L., Géographie militaire, III, op. cit., p. 184, pour qui « la saillie n’est pas dangereuse pour l’Allemagne, d’autant plus que l’alliance germano-autrichienne empêche la Russie de se concentrer sur la rive gauche de la Vistule. »





(30) Dessberg Frédéric, « Marches d’empires, États-tampons et zones d’instabilité… », op. cit., p. 34.





(31) Service Historique de la Défense, Département de l’Armée de Terre (SHD/DAT), 7N 1538, 1902-1914. Octobre 1908, section russe de l’EMA/2, concentration austro-hongroise contre la Russie ; études sur la concentration et les transports russes faites par le colonel Janin en octobre-novembre 1911 et février 1913 ; études concernant les États voisins de la Russie (1911) : note sur la concentration allemande.





(32) Sironi G., op. cit., pp. 633-634 ; Niox G.-L., Géographie militaire, IV, op. cit., pp. 113 et 136.





(33) Niox G.-L., Géographie militaire, IV, op. cit., pp. 136-139.





(34) Ibid., p. 134. Il convient de noter que ces indications trouvent leur vérification en 1914 lorsque l’infanterie et la cavalerie russe, en 1914, lancent leur offensive en direction des Carpates. Les troupes autrichiennes parviennent initialement à résister grâce aux forteresses de Lemberg (Lviv) et de Przemysl, avant de reculer derrière cette dernière forteresse.





(35) Niox G.-L., Géographie militaire, IV, op. cit., pp. 137-147 et 285.





(36) SHD/DAT, 7N 1131, Autriche-Hongrie, commandant Hallier, attaché militaire à Vienne, à l’EMA/2, 14 avril 2012. Le colonel Niox montrait l’importance du passage des armées dans les « Alpes de Transylvanie » : « Au XIIIe siècle, les Mongols y passèrent ; au XVIIIe siècle, les Turcs. Pendant la guerre de 1849, le général Bem le défendit contre les Russes et s’en servit lui-même pour descendre en Moldavie et essayer de soulever le pays. » Niox L.-G., Géographie militaire, IV, op. cit., p. 141.





(37) Nous en voulons pour preuve la consultation des numéros suivants de la Revue militaire des armées étrangères, n° 1 de l’année 1909, p. 358 et n°1 de l’année 1910, p. 438 pour les manœuvres bulgares ; n° 7 de l’année 1909, pp. 73 et 429 et n° 1 de 1910, p. 437, pour les manœuvres austro-hongroises ; n° 1 de 1910, pp. 168, 274 et 377 pour les manœuvres de l’armée allemande.





(38) Korobov Youri, « Les relations militaires franco-russes de 1870 au lendemain de la guerre russo-japonaise. Le point de vue russe », Revue historique des Armées, n° 245, 2006, pp. 104-121.





(39) SHD/DAT, 7N 1538, Russie 1902-1914, études sur la concentration et les transports russes faites par le colonel Janin entre octobre-novembre 1911 et février 1913.





(40) Niox G.-L., Géographie militaire, III, op. cit., pp. 277.





(41) Ibid., p. 286.





(42) SHD/DAT, 7N1485, Russie 1900-1911, Mission militaire française et attachés militaires, commandant Malleterre, « Les Cosaques et l’expansion russe ». De manière significative, l’auteur, au début de ce mémoire manuscrit, indique en notes marginales des références à des revues de géographie. Devenu général pendant la Première Guerre mondiale, grièvement blessé en 1914, il devient en 1919 gouverneur des Invalides, à la suite du général Niox dont il était l’adjoint.





(43) Niox G.-L., Géographie militaire, III, op. cit., p. 293.





(44) SHD/DAT, 1M 1623, Reconnaissances, Turquie, 1861-1869, chef d’escadron Lamy (commandant la Mission militaire française en Roumanie) au ministre de la Guerre, 23 août 1861.





(45) Niox G.-L., Géographie militaire, III, op. cit., p. 293.





(46) Lieutenant Vergé, « L’infanterie russe dans ses garnisons d’hiver », Journal des Sciences militaires, n° 12, 1906, pp. 416-438.





(47) SHD/DAT, 7N 1485, Ministère de la Guerre à Ministère des Affaires étrangères, 21 janvier 1911 et note de l’EMA du 6 mars 1911.





(48) SHD/DAT, 7N 1486, Russie, 1912-1914, rapports du capitaine Perchenet (octobre 1912) et Jacquinot (octobre 1913).





(49)SHD/DAT, 7N 1485, Russie, Mission Janin, 1910-1911, rapport du lieutenant-colonel Janin, 20 juillet 1911.





(50) Ibid., rapport du lieutenant-colonel Janin du 4 août 1911 ; 7N 1538, Russie, 1902-1914, études sur la concentration et les transports russes faites par le colonel Janin en octobre-novembre 1911 et février 1913.





(51) SHD/DAT, 7N 1129, Autriche-Hongrie, 1903-1906, Commandant Laguiche, attaché militaire à Vienne, à l’EMA/2, 27 mars 1903 et 9 septembre 1903.





52) Ibid., Commandant Laguiche à l’EMA/2, rapport du 6 février 1905.





(53) SHD/DAT, 7N 1485, Russie 1900-1911. Mission militaire française et attachés militaires. Rapport sur un séjour à Varsovie en octobre 1902 (janvier 1903), capitaine Mahon.





(54) Niox G.-L., Géographie militaire, III, op. cit., pp. 290-291.





(55) Documents Diplomatiques Français, 1914 (3 août-31 décembre), Paris, Imprimerie nationale, 1999, p. 6-7, M. Velten à M. Viviani, ministre des Affaires étrangères, 2 août 1914.





(56) Le général Moulin avait rédigé un mémoire intitulé « La Question de l’autonomie de la Pologne au point de vue militaire ». Voir Borejsza Jerzy, « De Vienne à Versailles… », op. cit., p. 84.





(57) SHD/DAT, 7N 1486, Russie 1912-1914, rapport du capitaine Marchal, suite à son stage effectué à Varsovie de mars à septembre 1911.





(58) Ibid., rapport du capitaine Perchenet, suite à son stage effectué à Vilna d’avril à octobre 1912.





(59) Ibid., 7N 1485.





 


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