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N°12 Mai 2018 : De l'Afrique de l'Ouest à l'océan Indien : approche géohistorique et enjeux géopolitiques:

Sécurité et conflits d’une région périphérique : les enjeux de gouvernance à la frontière libyenne dans la Tunisie après 2011

Alexis Vastra


Par Alexis Vastra (doctorant au Centre d'Étude et de Recherche sur la Diplomatie, l'Administration Publique et le Politique (CERDAP²), école doctorale des sciences juridiques, faculté de droit, université Grenoble Alpes)



Résumé : Au cœur de la Tunisie postrévolutionnaire, le sud-est du pays, zone frontalière avec la Libye, révèle au grand jour la complexité des enjeux qui s’y déroulent. Longtemps occultée, cette région périphérique a souffert durant des années d’une exclusion organisée par le pouvoir central. La libération de la parole a permis de mettre cette thématique en lumière, et on comprend dès lors qu’il s’y déroule depuis plusieurs décennies un commerce de contrebande très spécifique et aux parcours internationaux bien rôdés. Cette activité a lieu dans un contexte bien particulier, où s’entremêlent des thématiques extraterritoriales comme la situation sécuritaire libyenne, nationales comme la défense de l’intégrité du territoire, ou encore très locales comme la légitimité de l’organisation communautaire. 



Les risques auxquels doit faire face cette partie du territoire sont nombreux et évolutifs. Là-aussi la réflexion est nécessairement multiscalaire. La menace est d’abord portée par les réseaux internationaux du jihad, desquels d’ailleurs, des individus s’exfiltrent pour revenir au pays. Leur dangerosité interroge et la manière de traiter cette problématique n’est pas encore définie. La région fait également face à des cellules terroristes en Libye, voire sur le territoire national, qui ont durement frappé la Tunisie. Aujourd'hui leur réminiscence dans le pays voisin est une problématique à venir. Enfin on peut évoquer des risques beaucoup plus proches du quotidien, au premier rang desquels la sécurité alimentaire. Le climat économique demeure dégradé et les investissements étatiques n’ont pas été à la hauteur de ce que laissait espérer la révolution. Cela est à mettre en rapport avec la manne financière accumulée dans le cadre de la contrebande, et interroge forcément sur des solutions de conciliation. 



Face à cette situation, l’armée demeure impassible et concentrée sur son objectif de sécurisation du territoire. Mais au cœur de la société civile et des acteurs locaux du politique, une demande forte émane concernant le renouvellement de la gouvernance de sécurité publique. La prise en compte du contexte local et le recours à une instance inclusive pouvant orienter la politique sécuritaire, sont les axes principaux de cette demande. Devant la complexité de la situation et l’ampleur des risques, une telle instance demeure une solution avantageuse mais également porteuse d’interrogations. Notamment quant à la légitimité du pouvoir central dans un tel processus. Un autre problème porte sur l’identification des acteurs. Si stabiliser le contexte local passe évidemment par un dialogue avec les parties libyennes, quel vis-à-vis crédible et reconnu est-il possible d’identifier ? Même dans l’éventualité d’un dialogue efficace, quelle valeur donner à un accord passé avec un gouvernement d’un pays où jusqu’à trois entités se déclarent autorité légitime ? Voila autant de réflexions que l’on pourra porter, brièvement ici, sur l’avenir de la gouvernance sécuritaire dans le sud-est de la Tunisie.



Mots clefs : Risques, frontière, gouvernance, marge, exclusion.



Abstract:At the heart of the postrevolutionary Tunisia, the southeast of the country, the border zone with Libya, highlights the complexity of the sakes who takes place. For a long time hidden from common views, this peripheral region suffered during years of an exclusion organized by the central power in Tunis. The liberation of speech authorized to put this subject in the light. At this point we understood that a specific situation took place in this area. For several decades it develops a specific smuggling with well roamed international routes. This economic activity comes along with a particular context where ties different themes: extraterritorial as Libyan security situation, national as defense of the territorial’s integrity, and still very local as the place that as to be given to the community’s authorities.



The risks which this part of the territory are facing are numerous and evolutionary. The reflection here is again necessarily multiscalar. The threat is carrying by the jihad’s international networks, of which moreover, individuals exfiltrates to return to their country. Their dangerousness question and the ways of handling this problem are not definite yet. The region also faces terrorist’s cells in Libya, even in the national territory, which hard stuck Tunisia.  Today their reminiscence in the neighboring country is clearly a problem to come. Finally we can evoke risks much closer from the daily life, in the foreground of which, the food safety. The economic climate remains degraded in Tunisia and the public’s investments since the revolution are not in an expected height. This as to be refers to the huge financial windfall of the smuggling activity, and questions necessarily about some conciliation’s solutions. 



In front of this situation, the army remains impassive and concentrated on its objective of reassurance of the territory. But at the heart of the civil society and the local politics actors, a strong request concerns the renewal of law and order’s policy. The consideration to the local context and the appeal to an including authority which can influence the security policy, are the main axes of this request. In front of the situation’s complexity and the risk’s scale, an inclusive authority is an advantageous solution, but brings interrogations too. In particular there is an interrogation about the legitimacy of the central government in this type of power’s exercise. Another problem concerns the actor’s identification. Indeed, stabilize the local context passes obviously by a dialogue with the Libyan parts. But how identify a credible interlocutor? Even in the possibility of an effective dialogue, what value give to an agreement ties with an authority of a country, where there are three different governments declaring themselves the competent authority? Here are some reflections we can take, briefly, about the future of security’s governance in southeast Tunisia. 



Keywords: Risks, border, space, governance, exclusion.



La première idée que l’on se fait de la frontière tuniso-libyenne est celle d’une zone floue. Soit par méconnaissance de ce lieu en particulier, soit par connaissance des enjeux complexes en présence. C’est un territoire caractérisé notamment par des défis sécuritaires de taille qui, à l’image de l’attaque de la ville de Ben Guerdane le 07 mars 2016 (1), sont allé jusqu’à fragiliser la présence même de l’État dans la zone. Autre clef de lecture, l’éloignement des centres décisionnels dans un pays marqué par une très forte centralisation, tant sous l’influence du modèle français que sous la volonté des deux présidents successifs : Bourguiba au pouvoir entre 1957 et 1987, puis Ben Ali jusqu’en 2011. Cet éloignement est un des aspects du caractère de marge attribué à cette région.



Mais la marge et sa relation à l’exclusion sont des concepts délicats à manipuler et compliqués à définir. La marginalité du sud-est tunisien est d’abord rapportée à son aspect périphérique et à l’éloignement que l’on vient d’évoquer. Le terme de marge, plus péjoratif, est aussi utilisé car l’éloignement n’est pas seulement physique mais touche tous les champs de la vie quotidienne : culture, finance... La marge évoque un état de différenciation d’avec la norme, ici la capitale, et est ressenti tantôt comme une honte, tantôt comme une fierté par l’affirmation d’une identité locale. L’exclusion et le sous-développement qui en découlent sont les aspects les plus polémiques car ils conduisent nécessairement à une remise en question du modèle de gouvernance économique dominant depuis plus de 60 ans. De la même manière, on verra que la gouvernance sécuritaire est aujourd'hui, elle aussi remise en question, face à des enjeux qui évoluent et des menaces qui se renouvellent.



Le terme de gouvernance doit être appréhendé avec prudence car son sens a beaucoup évolué ces dernières années. Initialement la gouvernance décrit l’ensemble des politiques publiques. Mais aujourd'hui ce terme tend à désigner par extension une « bonne gouvernance », c’est-à-dire l’ensemble des mesures envisagées ou prises, pour coordonner l’action de la société afin d’orienter son évolution vers un futur considéré comme meilleur. On comprend immédiatement qu’un « futur considéré comme meilleur » ne sera pas le même pour tous. Et donc l’appréciation de la gouvernance pourra varier. 



Devant la multitude des approches possibles, tout l’enjeu de ce travail est dès lors de comprendre, comment la sécurisation du sud tunisien est conceptualisée ? Et en quoi est-ce un processus influencé par une conflictualité spécifique au territoire étudié ?



Pour répondre à cette interrogation, nous verrons de quelle manière s’est construite la marginalité du sud tunisien. Après avoir pris connaissance du passif de la situation, nous essayerons de comprendre les risques encourus sur ce territoire, et la manière dont l’État y répond actuellement. Enfin nous verrons que les spécificités locales, par leur capacité à influencer la situation, doivent être comprises et utilisées comme autant de leviers pour stabiliser la région. 



I. La construction d’une marginalité



A. Caractères et construction de l’exclusion du sud-est tunisien



Le caractère périphérique de cette région est d’abord une représentation mentale issue du vécu d’un éloignement de fait. La Tunisie, entourée de deux immenses pays, est souvent qualifiée de « petit pays » par les Tunisiens eux-mêmes. En réalité avec plus de 160 000 km² de territoire, le pays est vaste et représente par exemple quatre fois la superficie de la Suisse. Le sud précisément, représente une grande part de ce territoire : les gouvernorats de Tataouine et Médenine à eux-seuls comprennent environ 30% du territoire national et la frontière avec la Libye est longue de 459 km. Ainsi dans ce pays pas si petit, l’éloignement vis-à-vis de la capitale est un ressentit réel, construit sur des distances importantes. Il faut par exemple 7h30 de bus à un tunisien lambda pour aller de Médenine à Tunis par la compagnie nationale.



Même constat en termes de topographie et de climat. La différenciation entre le sud-est et le reste du pays est importante, visible et ancrée dans les représentations du territoire. L’isohyète des 100 mm de pluie annuelle démarque ainsi nettement les gouvernorats de Kebili et Tataouine du reste du pays. De manière générale on observe une différence importante de température et de pluviométrie entre le sud-est aride et désertique, et le reste du pays semi-aride, voir humide sur le littoral nord. 



Si le caractère périphérique, voir marginal du sud-est découle effectivement en partie de caractères induits, l’exclusion et le délaissement qui vont y être associés sont une totale construction. L’indépendance du protectorat français de Tunisie est proclamée le 20 mars 1956, Bourguiba prend les rênes du pays. Son ancien allié et nouvel opposant Salah Ben Youssef trouvera dans le sud sa base militante et ses principaux soutiens, jusqu’à son exil. Bourguiba ne le pardonnera pas. De cette histoire dans l’Histoire découlera un ressentiment envers le sud. Le pays s’est alors construit dans une opposition entre le pays moderniste constitué de la capitale et du Sahel (2) et les régions intérieures dont le sud, considérées comme « arriérées ». Sous Ben Ali cette situation perdure, le dirigeant délaisse la région qui est donnée en pâture aux cercles financiers gravitant autour du couple présidentiel, qualifiés de mafia de par leur fonctionnement en réseau. Cette exclusion institutionnelle et organisée par des administrations corrompues s’observe dans les aménagements publics : les 60 derniers kilomètres du chemin de fer entre Tunis et Médenine sont attendus depuis 1986, quand l’autoroute A1 partant de Tunis en longeant la côte n’a jamais dépassé Gabès.



Cet état de fait a été un des moteurs de la révolution. L’exclusion de régions entières sera d’ailleurs portée sur le devant de la scène par les sit-ineurs de la Kasbah. Dans le sillage des mobilisations révolutionnaires, des habitants de régions défavorisées se portent à la vision des dirigeants et occupent la place de la Kasbah, épicentre du pouvoir tunisien regroupant entre autres le ministère des finances, l’hôtel de ville de Tunis et le palais du gouvernement.



Le pouvoir issu de la révolution a certes pris de bonnes résolutions avec par exemple l’inscription du principe de « discrimination positive » dans la Constitution (3) afin de lutter contre les inégalités entre régions. Mais il s’agit de symboles qui ne sont pas suivis de faits. En 2017 l’European Council on Foreign Relationrelève qu’encore 56% de la population et 92% du potentiel industriel du pays, sont situés à moins d’une heure de route des trois grandes villes du pays, excluant de factodes endroits comme Médenine, Tataouine… (Meddeb, 2017). Cela porte les crispations à leur paroxysme comme le montre le travail de l’ONG International Alerten décembre 2016 auprès des habitants de Ben Guerdane et Dehiba (frontière tuniso-libyenne), pour qui la création d’emplois par l’État et la création de zones industrielles sont les griefs les plus couramment exprimés, à plus de 90% des réponses (Lamloum, 2016).



B. Mais l’exclusion du sud-est tunisien est aussi un concept à déconstruire



On ne peut pas évoquer la marginalité du sud sans le définir. Or c’est une première barrière que l’on rencontre car il n’y a pas un sud mais des sud en fonction des biais de représentations de l’observateur. Dans le découpage administratif, la région « sud-est » comprend les gouvernorats de Sfax, Gabès, Médenine et Tataouine. De ce point de vue elle totalise 1 958 694 habitants soit 17.8% de la population tunisienne (4), essentiellement grâce au gouvernorat de Sfax deuxième plus peuplé du pays, sur une surface de 62 776 km² soit 38.4% du territoire national, essentiellement grâce au vaste gouvernorat de Tataouine. D’un point de vue militaire, la zone sud-est est synonyme de défense de la frontière face au désordre libyen, une sorte de ligne Maginot qui concentre l’attention. Pour beaucoup de Tunisiens lambda, le sud est simplement ce qui se situe en dessous d’une droite horizontale passant par Gabès. Il s’agit donc d’un concept dont les contours varient fortement en fonction de l’observateur, et qu’il est ainsi délicat à manipuler. Nous avons compris que dans ce travail l’appellation « sud » ou « sud-est » désigne essentiellement les gouvernorats de Gabès, Tataouine et Médenine.



Il est également nécessaire d’interroger le concept de marginalisation. En effet celui-ci est utilisé d’un point de vue centralisateur et tunisois (5). Si ce territoire est considéré déviant par rapport à la norme, c’est par rapport à une norme établie dans la capitale par les cercles dirigeants. Donc dans sa construction, le concept de marginalisation peut être critiqué car partial. Ensuite et malheureusement, cette centralité du concept s’accompagne parfois de références dégradantes comme les termes de « ploucs » ou de « barbares ». Ce sont des mots significatifs d’une certaine xénophobie tunisoise – héritée de la construction bourguibienne de l’État – qui est un sujet sensible mais bien réel dans certains discours encore aujourd'hui. Cette influence d’une certaine xénophobie participe à la propagation artificielle du concept de marginalité du sud-est.



Or dans une réalité détachée du centralisme tunisois, les principes d’intégrations prévalant au sud ne répondent certes pas aux normes établies dans la capitale, mais ne sont pas absents pour autant. Ils répondent simplement à d’autres logiques. Par exemple, de manière traditionnelle l’économie de toute cette région est tournée non pas vers Tunis mais vers la Libye, l’Algérie et au-delà, viale commerce caravanier transsaharien. Usuellement Tunis a davantage représentée une fin de parcours pour les marchandises qu’un centre économique attractif pour les marchands du sud. On comprend aussi que dans ce cadre la frontière est vécue comme une continuité et non une barrière hermétique. 



Autre aspect de cette intégration profondément différente, les relations entre citoyens et la persistance de l’organisation clanique. L’Âarchest la base de l’organisation sociétale. Un terme qui décrit une réalité à cheval entre la famille élargie et la tribu. Mais l’organisation sociétale va au-delà. Comme le décrit de manière très approfondie une thèse soutenue auprès de l’université François Rabelais de Tours, le peuple local – Werghemma– ne représente pas une unité ethnique, mais une association de sept tribus arabes et berbères ancrées sur un territoire définie – la J'farra– à cheval entre le sud-est tunisien et l’ouest libyen (Tabib, 2011). Cela implique dès lors une continuité transfrontalière traditionnelle et une organisation ancestrale influente. Ces aspects se retrouveront d’ailleurs dans le cadre de l’économie informelle. 



C. En termes économico-financiers, des connexions de grande intensité



En prenant en exemple les relations économico-financières de la région on constate une grande intensité, éloignée d’une vision tuniso-centrée de région périphérique marginalisée. Ces liens économiques s’articulent autour de la frontière et se sont développés sous l’influence des relations entre la Tunisie et la Libye. Dans les périodes de calme comme les unions panarabe (1989-90) les réseaux expérimentés de la contrebande servent de manière intensive aux échanges. A contrariodans les périodes de tension comme lors de l’embargo contre la Libye Kadhafiste (1992-2003), le tissu commercial est illégal mais dense, basé sur les liens intertribaux, et permet la survie alimentaire côté libyen. De manière générale la période Ben Ali est marquée par une densification du réseau. Le désintérêt intentionnel de l’État provoque l’avènement des grands barons, financiers et organisateur du trafic. Sous leur influence l’économie informelle se développe vers l’international. 



Les réseaux vont être très impactés par la révolution. L’ordre et la pression des cercles économico-mafieux du pouvoir s’écroulent. Tout un chacun peut désormais lancer son propre business : c’est la multiplication des acteurs. Une multiplication quantitative avec un grand nombre de nouveaux acteurs, mais aussi qualitative avec des personnes qui n’étaient pas concernées par ce domaine d’activité auparavant. Cette période de non-contrôle est aussi caractérisée par une collusion accrue entre certains nouveaux acteurs de la contrebande et les réseaux terroristes à la faveur d’une porosité accrue du la frontière. Cette situation et son évolution sont résumées sur le schéma d’acteurs ci-dessous.



Document 1 : les acteurs du commerce informel à Ben Guerdane, en fonction du temps et du lieu





Enfin, sur l’intensité des connexions économico-financières, on peut évoquer le cas précis de Ben Guerdane. Au fur et à mesure des années, le réseau Ben Guerdien de marchandage s’est développé, acquérant puissance financière et influence internationale. Si bien qu’aujourd'hui la ville est le centre névralgique d’un réseau mondialisé où les flux d’argent et de marchandises sont particulièrement bien rôdés, de l’Algérie à la Russie en passant par la Chine, la Turquie et les villes entrepôts de l’ouest libyen. C’est un circuit complètement identifié et qui passe la plupart du temps sous les radars officiels.



Document 2 : Ben Guerdane, petite ville connectée à un grand marché





II. Les risques encourus et les principes actuels de sécurisation



A. La mobilité transfrontalière, enjeu majeur de l’intégrité territoriale



Le contrôle du passage transfrontalier tuniso-libyen est un levier principal de la sécurisation du territoire. Avec la révolution, les anciens leaders jihadistes sont libérés de prison ou immigrent librement en Tunisie. Les connexions entre eux, de longue date, vont servir à recréer des réseaux d’influence. Ceux-ci vont être à la base d’un vaste mouvement de prédication et de départ des tunisiens nationaux vers les zones de conflits. La Tunisie devient rapidement le premier contributeur étranger de l’État Islamique (EI) au Moyen-Orient avec des estimations qui varient mais font état globalement de plusieurs milliers de combattants. Les circuits de départ sont connus : Tunisie/Turquie/Syrie – Tunisie/Libye – Tunisie/Libye/Turquie/Syrie – Tunisie/Bande Sahélo-Saharienne (BSS) – Tunisie/Libye/BSS. Dans la plupart de ces circuits la frontière sud-est est franchie, y compris par des individus venus d’Europe dans ce but précis. C’est donc d’abord dans un rôle de contrôle failli de l’émigration que la frontière tunisienne s’impose comme enjeu majeur de sécurité.



Mais la menace ne va pas tarder à se retourner contre le pays. En 2015 la doctrine jihadiste évolue et l’EI se tourne vers l’international. D’un rôle de fournisseur de combattants, la Tunisie devient un objectif stratégique. Les éléments terroristes frappent alors durement le pays : attentat du Bardo (6), de Sousse (7) ou encore attentat de l’avenue Mohamed V à Tunis contre la garde présidentielle (8). Le point commun à toutes ces attaques se trouve dans les parcours des terroristes : un départ en Libye voisine, souvent lors du tournant sécuritaire de 2012-2013, puis le passage par des camps d’entrainement, et de nouveau le franchissement de la frontière afin de venir frapper le territoire national.



Au-delà de ces évènements purement violents, la société tunisienne ressent également comme un danger le phénomène des « revenants ». Selon les sources jusqu’à 800 tunisiens (9) seraient déjà revenus de zones de guerre et selon un communiqué du ministère de la justice du 02 janvier 2017, 39% des détenus tunisiens seraient des revenants. De la même manière qu’en France il y a une opposition entre les partisans de l’accueil nécessaire de ces concitoyens et leur abandon pur et simple. Concernant les éléments les plus dangereux, le gouvernement dit procéder à des contrôles aux frontières avec des listes issus du renseignement. Concernant les individus considérés comme non dangereux, aucun programme de réhabilitation n’est actuellement mis en place. Le traitement de cette thématique passe donc essentiellement par des mesures coercitives cristallisées autour de la frontière et de son rôle filtrant.



En revanche, il faut aussi pondérer cette vision en ce qu’elle constitue un discours publique qui sert à justifier l’activité sécuritaire du gouvernement et à promouvoir son action. Tout ne se passe pas autour de la frontière, les relais locaux et les cellules dormantes sont une réalité qu’il serait dangereux de sous-estimer. Lors de l’attaque de Ben Guerdane plusieurs points tendent ainsi à montrer un fort appui intérieur. Dans le renseignement – l’attaque a débuté par des éliminations ciblées de responsables sécuritaires – et dans la préparation – des jihadistes étaient présents depuis plusieurs jours dans la région, ce qui montre un soutien de certains individus. Les relais locaux de l’insécurité jihadiste sont donc une réalité, cruellement mise en avant durant ces évènements. 



B. Un climat régional dégradé



La chute de Mouammar Kadhafi a provoqué une dissémination des armes légères et des combattants. Aujourd'hui encore les autorités tunisiennes découvrent régulièrement des caches d’armes sur tout le territoire. La Libye est également devenue un terreau fertile aux groupes terroristes. Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier la corrélation entre l’établissement d’une province de l’EI à Syrte et l’ampleur des destructions de guerre sur le tissu urbain et social. Mais pour notre sujet on observera simplement que des cellules terroristes se sont constituées assez rapidement, et notamment autour des jihadistes tunisiens dans l’ouest du pays. Si bien que la Libye a bientôt représenté la base arrière de ces éléments. En 2015 le groupe de travail des Nations-Unis sur l’utilisation de mercenaires a estimé qu’entre 1000 et 1500 jihadistes tunisiens étaient présents en Libye. Les cellules se sont multipliées, à Sabratha où en février 2016 une frappe américaine élimine l’état major tunisien de l’EI, mais aussi à Benghazi et bien-sûr à Syrte où l’EI constitue sa principale province en dehors du Moyen-Orient, de juin 2015 jusqu’à la reprise de la ville en décembre 2016. 



Avec la chute de Syrte et les efforts des miliciens soutenus par les bombardements essentiellement américains, on croyait la menace jihadistes disparue. C’était sans compter sur le pouvoir de réminiscence de ces groupes qui se restructurent depuis plusieurs mois à Jufra dans le désert, et surtout dans l’arrière pays de Syrte où les attentats et opérations coups de poings (barrage filtrant essentiellement) se multiplient. Dans ces conditions les risques portés sur la frontière et sur le sud tunisien grandissent et n’ont pas atteint ce niveau depuis plusieurs années. S’ils ne semblent pas pour l’instant faire l’objet d’une attention particulière, ces faits n’auront sûrement pas manqué de faire réagir les services de renseignement.  



Autre foyer d’inquiétude régionale moins médiatisé, l’Algérie. En termes de renseignements et de pratiques opérationnelles il s’agit du premier partenaire de la Tunisie. De l’aveu des personnels sécuritaires eux-mêmes, les échanges sont quasi-quotidiens. Rappelons également que l’Algérie est le seul pays depuis l’indépendance tunisienne à avoir pu – en vertu d’un accord – réaliser sur le territoire tunisien des opérations de traque antiterroriste, de grande ampleur et en continuité d’opérations lancées côté algérien. Concernant ces pays où le respect de l’intégrité territoriale est un principe inviolable et très sensible, il s’agit d’un fait sans précédent. Mais la stabilité du régime inquiète. Le président Bouteflika est la plupart du temps absent et les rumeurs sur sa mort se succèdent. Son héritage reste flou et aucun leader naturel ne se démarque. Or comme le font remarquer les observateurs tunisiens, l’Algérie est un pays où le doute à la tête de l’État n’est pas permis. La dernière fois que ce doute a émergé ce fut lors de la victoire électorale des islamistes, ce qui fit basculer le pays dans la décennie noire. Malheureusement le grand frère algérien ne saurait aujourd'hui chuter sans entraîner avec lui son pré-carré tunisien. Les inquiétudes sont donc particulièrement fortes à ce sujet.



C. Les enjeux de la gouvernance tunisienne sur le territoire frontalier



Face à ces défis, la gouvernance se base actuellement sur trois grands principes. D’abord la défense de l’intégrité territoriale. Celle-ci passe par des aménagements du territoire dont on peut mesurer l’ampleur par observation satellite : fossé et mur de séparation déployés sur l’ensemble du tracé frontalier. En complément, un système de surveillance doit s’y ajouter progressivement. Dans ce dispositif on trouve ensuite une cascade de barrages filtrants répartis le long de la route principale menant de Ben Guerdane au poste-frontière de Ras Jedir. Enfin l’effort a été porté sur l’efficacité des tactiques opérationnelles. A travers le prépositionnement de forces de réaction rapide dans la région, la présence de conseiller militaires étrangers même si cela n’est pas officiellement reconnu, et à travers l’accent sur la complémentarité entre service. A cette fin, et c’est un évènement remarquable, des chaines de commandement conjointes aux forces militaires et civiles ont été mises en place. Il s’agit de quelque chose d’inédit en Tunisie où l’armée a toujours été perçue comme dangereuse par un pouvoir autoritaire basé sur la police. 



Le deuxième axe de la gouvernance consiste en la consolidation de l’État de droit. En effet, l’action jihadiste a toujours pour but de semer le chaos en neutralisant le pouvoir et la légitimité de l’État sur un territoire donné. En Tunisie, celui-ci a réagi en prenant des mesures fortes afin de maintenir sa pérennité : déploiement massif de troupes sur le territoire national et octroie à ces troupes de pouvoirs de police. Le but étant de lutter avec la plus grande efficacité possible contre la mouvance jihadiste dissimulée.



Document 3 : les instruments législatifs de crise





Source : Journal Officielle de la République Tunisienne (JORT)



Le troisième axe de la gouvernance sécuritaire passe par l’action diplomatique. A ce niveau on peut résumer la vision de la Tunisie par ces mots simples : indépendance mais pas inaction. La Tunisie participe et soutien de nombreuses initiatives pour la résolution du conflit en Libye. Le but est bien-sûr de stabiliser la situation du voisin afin d’engendrer des effets positifs sur la sécurité du territoire national. La Tunisie supporte ainsi le processus engagé par les accords de Skhirat (décembre 2015) sous égide de l’ONU, tout comme les initiatives de l’Union Africaine, ou l’initiative tripartite (Tunisie-Algérie-Égypte) pour favoriser le dialogue inter-factions. En revanche, la Tunisie par sa voix diplomatique revendique et rappel régulièrement sa volonté d’indépendance basée sur une non-intervention dans les affaires internes de la Libye, le pays n’a par exemple aucune présence militaire de manière officielle ou officieuse. On pourra préciser que certains responsables diplomatiques ou politiques sont critiques vis-à-vis de cette position qu’ils analysent comme une occasion manquée par la Tunisie de se saisir d’un rôle diplomatique de premier ordre dans le monde arabe. 



III. Des clefs d’analyse locales, des solutions qui le sont aussi



A. Un climat social source de sécurité comme d’insécurité



Si le climat régional influence la stabilité du territoire tunisien, dans le contexte sécuritaire qui prévaut au sud-est, les caractéristiques locales doivent être un axe principal de réflexion. Le climat social notamment peut être une source de sécurité ou d’insécurité. Le principal point de crispation est la défense du passage transfrontalier. La frontière, perçue comme une continuité et comme une opportunité économique est un enjeu pour les populations locales. Ainsi ces populations se retrouvent otages des fermetures épisodiques, qu’elles soient à l’initiative de la Libye ou de la Tunisie, pour des motifs sécuritaires ou purement diplomatiques. Cela amène dès lors une prise en main de la contestation par la société civile, et des manifestations qui s’organisent et parfois dégénèrent face à une armée crispée sur la stabilité de la région. 



Le climat social relève aussi de l’identité locale. Le facteur mémoriel est fondamental pour comprendre les représentations et les dynamiques d’action qui prévalent. Par exemple lors de la réaction populaire contre l’attaque de Ben Guerdane, ce sont les anciens de la ville, les personnes respectées pour leur légitimité communautaire qui ont poussé à la résistance. De la même manière, les manifestations contre les fermetures de la frontière ne prennent de l’ampleur que si ces mêmes anciens « autorisent » les jeunes à aller plus en avant dans la contestation. On voit là, que le rôle de l’identité locale du sud tunisien peut effectivement jouer un rôle de stabilisation ou un rôle de déstabilisation en fonction de la manière dont il est activé. Peut-on pour autant qualifier cette identité locale d’élément clivant ? Beaucoup de tunisiens ont longtemps considéré cette partie du territoire comme à part, conservatrice, facilement sécessionniste. Mais la réaction populaire lors de l’attaque de la ville a constitué en cela un tournant. Cela a montré que l’identité locale n’est pas un frein au sentiment national, et qu’en cas de problème profond, la Nation prédomine. 



Enfin le climat social a beaucoup été influencé par un autre facteur, la présence de Libyens fuyant la guerre, et leur relation avec les citoyens tunisiens. Le sud a accueilli durant la guerre civile de nombreux réfugiés, puis de nombreux blessés. Si aujourd'hui la majorité des libyens vivant en Tunisie sont installés dans la capitale, dans les premiers temps de la guerre civile le fameux camp de Choucha a accueilli jusqu’à plusieurs milliers de civils. A ce moment l’amitié entre citoyens des deux pays, par ailleurs proches ethniquement, a joué un rôle de ciment stabilisateur dans un climat pourtant explosif. Aujourd'hui ce camp est en grande partie vide, peuplé seulement de quelques migrants subsahariens dont, par ailleurs, la situation sanitaire préoccupe les ONG au plus haut point. 



B. Un cadre économique à redéfinir



On l’aura compris, l’économie est une caractéristique de la stabilité locale. Le premier axe d’amélioration de la situation doit être d’exploiter les avantages comparatifs d’une économie de marge dynamique. D’abord en exploitant le passage lui-même c’est-à-dire en légalisant le trafic qui s’y fait afin de pouvoir le comptabiliser, et surtout au niveau de l’État, le taxer. Ceci afin d’en tirer une richesse à redistribuer. De cette manière l’État assumera pleinement son rôle par rapport à cette manne financière qui est pour l’instant incontrôlée. Deuxième point, l’effort doit être porté sur le réinvestissement des capitaux issus de la contrebande. Aujourd'hui ces capitaux échappent à tout circuit officiel et ne sont pas réinjectés de manière massive dans l’économie réelle. Or ils atteignent des montants insoupçonnés : la banque mondiale estimait ainsi en 2013 que la valeur annuelle marchande du trafic à Ben Guerdane s’élevait à 590 millions de dinars, soit environ 200 millions d’euros (Ayadi, 2013). En 2015, l’ONG Joussour estime que le trafic de carburant à lui seul, sur la frontière tuniso-libyenne, rapporte entre 100 et 200 millions de dinars par an, soit 34 à 68 millions d’euros annuels (Erguez, 2015). C’est pourquoi, permettre aux détenteurs de cette manne financière de la réinvestir légalement dans des projets porteurs pour la région, peut être un axe important, et nous allons voir plus bas selon quelles modalités.



Ces mesures relèvent d’une prise de conscience que le climat économique et financier doit évoluer car cette économie de marge ne doit pas devenir un danger. Il faut nécessairement arrêter de nier ces flux, les canaliser (les contrôler) et les réinvestir par le biais de l’État (l’impôt) et de l’entreprenariat. Le risque est de voir cette économie de marge rentable, couplée au désintéressement de l’État et à une population pauvre, devenir dangereuse. L’isolement qui prévaut se retrouve comblé par l’investissement privé en dehors de tout cadre légal, passant outre les prérogatives de l’État. Les grands investisseurs, eux, jouissent d’une légitimité financière, sociale, communautaire, et se substituent bientôt à l’État. La région court dès lors à la sécession de fait. Il s’agit bien-sûr d’un scénario catastrophe. Mais l’ampleur des sommes brassées, le climat économique général dégradé, ainsi que l’aspect communautaire local, peuvent faire craindre un tel scénario pour les années à venir.



Plusieurs solutions concrètes sont envisageables. D’abord la mise en place d’un marché commun transfrontalier avec des accords de libre échange portant sur des produits bien spécifiques. Cela est une solution expérimentée par exemple à la frontière franco-suisse, qui fonctionne et coupe court à tout trafic illégal. A l’échelle locale ensuite, l’État pourrait décider la mise en place de zones privilégiées d’investissement : zones d’activité ou zones commerciales. Dans ces espaces, l’origine des fonds serait contrôlée et réservée aux capitaux issus de la contrebande. En vertu de la qualité des projets proposés, notamment par exemple la création d’une économie primaire de manufacture qui manque cruellement au marché de l’emploi, les possesseurs de capitaux seraient autorisés à injecter leurs réserves monétaires. Cela profiterait aux citoyens, permettrait du profit aux investisseurs, et surtout permettrait à l’État de légaliser ces transferts d’argent et donc d’avoir un retour dessus. Une dernière solution évoquée, plus globale, consiste en l’accession au marché commun européen à travers la finalisation d’un accord de libre échange complet et approfondi (ALECA) avec l’UE. Ce processus, lancé depuis octobre 2015, demande encore des efforts pour être achevé. L’ouverture de la Tunisie à ce marché, couplée à une réelle discrimination positive des régions, permettrait de développer les zones sous-développées comme le sud-est.



C. Des acteurs spécifiques, aux intérêts variables



La dernière clef de lecture locale à analyser, concerne les acteurs agissant sur le territoire frontalier, car ils sont multiples, superposés et aux intérêts variables. Nous devons d’abord évoquer l’armée tunisienne car elle tient un rôle très ambivalent. Elle est un acteur majeur de la sécurité du territoire, également détentrice d’un rôle économique et social important : lien avec les populations les plus reculées, employeur populaire, organe consommateur... Cette armée est également caractérisée par un lien de dépendance important envers la population, relatif au besoin de renseignement humain, particulièrement important pour l’anticipation de la menace dans ce type de territoire. En revanche, la Grande Muette n’a jamais aussi bien porté son nom. Car malgré l’importance de son rôle, l’armée par la voix de ses représentants officiels refuse catégoriquement toute implication, toute remise en question de sa manière de fonctionner qui ne serait pas issue des structures centrales. 



Or, la manière de penser la sécurité publique est en évolution perpétuelle. Dans le sud-est, sa réinvention semble une obligation tant les particularités locales sont impactantes. Face à ce constat les acteurs publics proposent des solutions. La plus sérieusement envisagée est la mise en place d’une instance inclusive, réunissant l’ensemble des partenaires, à même de fournir une expertise et des conseils sur la manière d’organiser la sécurité du territoire. Mais cette solution à laquelle travaille la société civile, présente des obstacles qu’il faudra surmonter. En premier lieu la participation de l’armée. En second lieu la place de l’État. Dans un pays centralisé à l’extrême, le fait que des décisions, ou même des avis sur la manière de gérer l’espace public puissent être donnés par une instance indépendante pose problème. Pour beaucoup de tunisiens et notamment dans les cercles décisionnels tunisois, la légitimité de l’État serait ainsi bafouée. Pour les acteurs locaux du politique au contraire, la présence de députés, de maires, dans ce type d’instance, garantira la présence et la légitimité du pouvoir étatique.



Enfin et pour continuer sur les interlocuteurs d’une instance inclusive, il faut noter la difficulté à trouver un partenaire libyen. Plus précisément, la multitude d’acteurs rend compliqué un possible dialogue. Le pays est un patchwork d’autorités de natures multiples (milice, élus, tribus...) qui se croisent et se superposent. Tant et si bien que la situation réelle échappe à la plupart des observateurs. Au niveau local les individus dialoguent par delà la frontière, en vertu de liens amicaux, traditionnels, familiaux ou encore commerciaux. Cela a par exemple permis de sortir d’une situation de blocage en janvier 2017 avec la mise en place d’un accord sur les flux frontaliers, signé entre les acteurs de la société civile tunisienne et dix municipalités libyennes. Mais au niveau étatique la problématique est toute autre. Avec deux à trois gouvernements officiels selon les acceptations, le partenaire libyen de l’État tunisien n’est pas une réalité. Cela pose naturellement problème. D’abord vis-à-vis de la validité d’un accord passé avec une partie et pas une autre. Ensuite quant au refus d’ingérence de la Tunisie dont on a déjà parlé, et qui l’interdit de dialoguer préférentiellement avec une entité. Au niveau étatique, la situation est malheureusement loin de se normaliser. 



Conclusion



Une bonne gouvernance dans le sud-est tunisien est un objectif compliqué à atteindre. La situation actuelle tant sécuritaire qu’économique – et les deux sont extrêmement liés – est héritée d’une exclusion savamment organisée de la région. En revanche il ne faut pas tomber dans la caricature. Cette zone éloignée des centres décisionnels n’en possède pas moins une intégration aux contours spécifiques. C’est particulièrement le cas dans le domaine du commerce, avec aujourd'hui un modèle d’économie de marge qui arrive à la fin d’un cycle et interroge. Entre risques sécuritaires pures et menace évolutive, la sécurité du territoire est organisée sur un modèle essentiellement coercitif. Cela a en partie fonctionné, évitant notamment la chute de la ville de Ben Guerdane en mars 2016, mais pour combien de temps encore ce modèle tiendra-t-il ? La menace change de visage, prend des contours plus pernicieux notamment en Libye voisine, et les politiques publiques ne semblent pas s’adapter. La société civile réclame la prise en compte des particularités locales dans la conception des politiques publiques de sécurité. Sera-t-elle entendue ? Et si oui, dans quel cadre ? Affaire à suivre.



Références bibliographiques : 



Ayadi L., Benjamin N., Bensassi S. & Raballand G., 2013, Estimating informal trade across Tunisia’s land borders, The world bank, 32 p.



Erguez R. (dir.), 2015, Cerner l’informel pour préparer son cantonnement : un enjeu de politique publique, Tunis, Joussour, 64 p.



Lamloum O., 2016, Marginalization, insecurity and uncertainty on the tunisian-libyan border, Rapport d’activité, International Alert Tunisia, 32 p.



Meddeb H., 2017, “Peripheral vision: how Europe can help preserve Tunisia’s fragile democracy”, European Council on Foreign Relations, 16 p.



Tabib R., 2011, Effets de la frontière tuniso-libyenne sur les recompositions économiques et sociales des Werghemmas, thèse, Université François Rabelais - Tours, 482 p.





Notes :



(1) Le 07 mars 2016, 49 morts parmi les jihadistes, 13 parmi les forces de sécurités composées de civiles et de militaires et sept décès civils





(2) La désignation « Sahel » en tunisien fait référence au littoral à l’est du pays, englobant le golfe d’Hammamet, Sousse et Monastir, et d’où sont originaires une grandes partie des dirigeants du pays





(3) Constitution tunisienne de 2014, Chapitre premier, Article 12





(4) Recensement de 2014, Institut National de la Statistique





(5) Gentilé rattaché à la capitale Tunis 





(6) Le 18 mars 2015, 24 morts principalement des touristes, abattus dans le musée du Bardo





(7) Le 26 juin 2015, 39 touristes majoritairement britanniques sont abattus sur une plage de Port EL-Kantaoui





(8) Le 24 novembre 2015, 12 morts et 20 blessés dans les rangs de la garde présidentielle





(9) Entretien avec M. Farouk Mellouki, président de l’ONG SOS Terrorisme, Tunis, le 21 février 2017





 


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