Compte rendu d'ouvrages

Compte rendu du XVIe Congrès de géographie historique à Londres (5-10 juillet 2015)

Nicola Todorov


La géographie historique, une discipline qui monte



Le 16e congrès international des « historical geographers » s’est tenu à Londres du 5 au 10 juillet 2015. A comparer le nombre d’intervenants inscrits à cette manifestation scientifique avec celui des chercheurs présents à Prague il y a trois ans, on dirait que la géographie historique est une discipline en pleine croissance : le nombre des contributeurs a doublé par rapport à l’édition de 2012, passant de 352 à 717 ! A y regarder de près et en se tenant à l’affiliation institutionnelle des intervenants, on constate que 259 chercheurs venaient du Royaume-Uni, soit 36% de l’ensemble. Si les chercheurs britanniques représentaient déjà l’un des plus contingents à Prague, leur effectif a tout de même septuplé. Le Royaume-Uni a une longue tradition de géographie historique, mais ce nombre important de participants montre aussi que la géographie historique britannique peut se réjouir d’un rayonnement et d’une adhésion larges au sein même des départements de géographie des établissements de recherche et d’enseignement supérieur de ce pays. Loin d’être pratiquée par seulement une petite poignée de spécialistes, l’approche historique des questions géographiques semble être plus aisément admise outre-Manche qu’en France. L’attrait de la géographie historique anglaise est sans doute aussi lié à la préoccupation constante d’éveiller l’intérêt du grand public, ce que montre bien le titre de la conférence du soir donnée par William Cronon « Qui lit encore de la géographie ou de l’histoire ? Le défi de l’audience à l’ère du numérique ».



L’explication de l’affluence à la 16e conférence de géographie historique permet immédiatement de démontrer l’intérêt d’une approche historique en géographie. Car, bien sûr, le lieu de la manifestation, avec sa longue de tradition en géographie en général et en géographie historique en particulier, a joué un rôle non négligeable dans ce succès. Cette longue tradition, qui se manifeste d’ailleurs par l’existence de collections d’ouvrages spécialisées et une revue, (et la courte distance) rendent bien compte du nombre de chercheurs britanniques présents. Global City par excellence, qui a gouverné l’empire colonial le plus vaste du monde, Londres profite de son passé pour asseoir son classement parmi les premières villes mondiales et assurer une accessibilité en termes de coût et de connectivité, faisant de la capitale britannique un pôle d’attraction pour les visiteurs étrangers. Mais c’est aussi fort de cet héritage et d’expériences accumulées que le comité d’organisation et la Royal Geographical Society ont pu relever le défi d’une telle manifestation, faisant preuve d’une capacité d’organisation impressionnante. Si l’idée d’organiser un congrès tous les trois ans est née il y a plus de 40 ans lors d’un symposium anglo-canadien à Kingston (Ontario), c’est la première fois que Londres a accueilli cette manifestation.



Le congrès s’est déroulé dans les locaux de la Royal Geographical Society et l’Ecole des Mines voisine. Le temps agréable a permis de prolonger les discussions dans la cour de la Société Royale pendant les pauses et les soirées. Comme lors des congrès précédents, le mercredi fut réservé aux excursions, entre autre dans la ville de la prestigieuse université d’Oxford. La grève des transports de Londres le jour suivant n’a pas terni la bonne ambiance du congrès.



 





L’origine des participants reflète dans une certaine mesure les structures de la recherche internationale en général. Les pays anglophones contribuaient pour plus de la moitié au nombre des intervenants. Mais on note aussi la forte présence de ressortissants de la République tchèque, au regard de sa la taille et de son poids démographique, qui était le pays organisateur du congrès précédent, avec 27 « géographes historiques ». On s’étonnera davantage du faible nombre de géographes néerlandais présents à ce congrès. La France était bien mieux représentée qu’à Prague avec 32 chercheurs, contre 5 il y a trois ans. Elle se trouvait ainsi à la cinquième place du classement selon le nombre de participants derrière le Royaume-Uni, les Etats-Unis (87), le Canada (48) et le Japon (33). Le comité éditorial de la Revue de géographie historique se réjouit d’ailleurs de pouvoir donner dans l’un de ses prochains numéros un aperçu des travaux japonais récents dans notre domaine.



Faut-il attribuer la croissance du nombre de participants français, remarquée par nos collègues anglais chevronnés, tel Hugh Clout ou Alan Baker, à la proximité géographique de la capitale britannique ou à un regain d’intérêt pour ce champ de la géographie ? De fait, de nombreux géographes français intègrent une approche historique dans leurs travaux, sans forcément se dire –ou s’avouer - géographes historiques. Est-ce le signe d’un déficit d’image persistant déploré il y a plus d’une douzaine d’années lors du colloque qui s’est tenu en Sorbonne ?



L’Europe était fortement présente. La variété des traditions fait aussi la richesse de ce continent représenté par 24 pays. En dehors du Brésil, fort d’une tradition de géographie historique, l’Amérique latine était peu présente.



S’il est parfois difficile classer les séances du congrès en catégories thématiques exclusives, en raison des questionnements forcément croisés, le 16e congrès confirme le fort penchant de la recherche internationale pour les questions environnementales, avec au moins 24 séances, consacrées au climat, aux phénomènes météorologiques, aux risques naturels, à la pollution… Loin d’être un phénomène de mode, les préoccupations environnementales traduisent la prise de conscience croissante de l’intérêt que revêt l’étude du passé pour comprendre de nombreux problèmes géographiques actuels. C’est sans doute aussi l’un des domaines où la géographie historique peut le mieux démontrer son utilité.



A côté de cette tendance lourde, des communications centrées sur l’histoire de la géographie étaient nombreuses. Tirant profit de la variété des sources disponibles, de nombreux intervenants présentaient des exposés sur des géographies perçues.  L’échelle d’observation du paysage occupe toujours une place privilégiée dans les recherches de la géographie historique avec au moins une dizaine de séances, dédiées à cet objet de la géographie, ce qui répond sans doute à la spécificité de l’apport de nombreuses archives historiques. D’ailleurs plusieurs séances furent organisées pour présenter et discuter les sources utilisables en géographie historique. En revanche, l’engouement pour la géographie historique du fait religieux, constaté au congrès précédent, n’a guère fait preuve de longévité, avec seulement 2 séances explicitement dédiées à ce sujet. Quelques séances furent aussi consacrées à la géographie historique de certains pays tels la Chine et la Russie, représentées chacune par 19 géographes dans l’ensemble des séances, signe d’une recherche dynamique en géographie historique dans ces pays. Ces équipes montrent aussi l’exemple et peut-être verra-t-on un jour – par exemple, en 2018, à Varsovie -  des séances spécialement consacrées à la géographie historique de la France, pays d’une longue tradition dans ce domaine, ou à la tradition de géographie historique française. Fédérer des chercheurs faisant une large place à une approche historique en géographie est d’ailleurs l’un des objectifs de notre revue.



Nicola Todorov 



Directeur adjoint de la Revue de Géographie historique



 


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