Article
n°4 mai 2014 : Géographie historique de la Lotharingie:
La production d'un espace : débuts lotharingiens et pratiques de la frontière (IXe-XIe siècle)
Par Jens Schneider, ACP, Université Paris-Est Marne-la-Vallée et Tristan Martine, ACP, Université Paris-Est Marne-la-Vallée / HISCANT-MA, Université de Lorraine.
Résumé : S’il est un espace problématique, compliqué à définir, difficile même à nommer, c’est bien la Lotharingie. Nous présentons tout d’abord la dénomination de cet espace politique qui est créé au IXe siècle, en distinguant notamment Francia Media, Lotharingie et Lorraine. Nous détaillons ensuite les différents changements territoriaux du royaume de Lothaire II jusqu’au XIe siècle, ce qui nous amènera à soulever l’épineuse question de la délimitation de cet espace aux frontières complexes à appréhender et à cartographier. Enfin, nous nous demanderons quelles furent les conséquences spatiales de ces changements de frontière en Lotharingie sur les aristocraties de cet espace de l’entre-deux.
Mots clefs : Lotharingie ; Francia Media ; Lorraine ; Lothaire II ; Ricuin ; Meersen ; Verdun ; espace ; frontières ; traités de partage ; politique territoriale.
Abstract : If there is a space that is problematic, complicated to define, and difficult even to name, it is Lotharingia. We begin by presenting the terms used for this political space created in the ninth century, distinguishing in particular between Francia Media, Lotharingia and Lorraine. We then detail its territorial changes, from the kingdom of Lothar II through to the eleventh century, which raises the thorny question of the delimitation of this space whose frontiers are so complex to perceive and to map. Finally, we consider what the consequences of these changes of frontier were for the aristocracy of this space ‘in-between’.
Key words : Lotharingia ; Francia Media ; Lorraine ; Lothar II ; Ricuin ; Meersen ; Verdun ; political spaces ; borders ; partition treaties ; territorial politics.
Quand il est question d’identités, les historiens accordent une grande importance à la distinction entre les dénominations propres et les dénominations adoptées. Les mots « Lotharingie » et « Lotharingiens » entrent selon toute vraisemblance dans la dernière catégorie puisqu’on les trouve pour la première fois chez un auteur d’origine italienne, Liudprand de Crémone. Il faisait partie des grands nobles de la cour des empereurs ottoniens au Xe siècle et semble avoir forgé le mot latin Lotharingia dans les années 960 pour désigner un espace qui n’était plus un royaume spécifique à cette période-là mais qu’on continua, faute de mieux, d’appeler « le royaume de Lothaire » (regnum Lotharii) d’après le roi Lothaire II pour lequel il avait été créé en 855. Il est donc difficile de prêter une qualité identitaire à la dénomination « Lotharingie ».
Dans cette contribution au numéro thématique de la « Revue de géographie historique » nous essayons d’esquisser sur la base de quelques cartes la production d’un espace politique ex nihilo, c’est-à-dire qui ne repose sur aucune tradition ancienne, qui sera remanié sans cesse par de nombreux accords ou traités de partage et qui va se fondre dans l’espace de l’Empire. Dans un deuxième temps nous allons nous interroger sur les pratiques frontalières dans ce « royaume de Lothaire » à travers l’exemple d’une famille importante de l’aristocratie lotharingienne. Suivant le principe que la frontière, en particulier au haut Moyen Âge, n’est pas une barrière stable mais plutôt une zone fluide qui invite à l’accès (Turner, 1947) et qui peut être animée par des lieux limitrophes (Dion, 1979, p. 24-26), on cherchera à savoir comment les hommes se sont adaptés aux réalités mouvantes de frontières politiques qui ont pu changer plusieurs fois pendant une génération.
I. La Francia Media
C’est essentiellement à Michel Parisse que nous devons une définition nette de la terminologie (Parisse, 2011). Il convient de distinguer trois entités spatiales : la grande Francia Media créée en 843 (carte 1), la Lotharingie étant la partie septentrionale de la Francia Media (cartes 2 et 3), et la Lorraine, choronyme comprenant les actuels départements français de Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle et Vosges.
Carte 1 : La Francia Media
Cartographie : Martin Uhrmacher, extrait de M. Gaillard et al. (dir.), De la mer du Nord à la Méditerranée. Francia Media, une région au cœur de l’Europe (c. 840–c. 1050), Luxembourg, CLUDEM, 2011, p. 600.
Michel Parisse a forgé le mot de l’axe lotharingien pour la Francia Media en insistant sur la communication et l’échange à l’intérieur de ce vaste espace notamment par la circulation le long des grandes routes fluviales formées par l’Escaut, la Meuse, le Rhin et la Moselle ainsi que le Rhône et la Saône. Cette image d’une « grande zone de passage » a été confirmée par l’analyse des facteurs économiques (Racine, 1987, p. 218). Il s’agit d’un ensemble géographique étendu entre la mer du Nord et la Méditerranée qui était une création artificielle, bien que Janet Nelson nous ait mis en garde contre une vision téléologique d’un royaume éphémère (Nelson, 2011, p. 254). Il est vrai que lors du partage de Verdun nul ne pouvait savoir que la division en trois de l’empire franc rassemblé par Charlemagne n’allait pas durer : le détail du traité de partage a été négocié par une commission de plus d’une centaine d’hommes qui étaient experts dans la matière, les partages de royaumes étant une coutume franque. Ils ont bien fait leur travail et le résultat peut être considéré comme une division équilibrée, autant au niveau économique et fiscal que par rapport à la distribution des « lieux de pouvoir » de cités épiscopales, abbayes et palais royaux (Nelson, 2011 ; Schieffer, 1961).
Le royaume médian échu à Lothaire Ier et ses grands rassemblait des terres entre l’embouchure des grands fleuves appelée Rhine-Meuse delta aujourd’hui (Cohen et al., 2012) jusqu’au-delà de Rome puisque le duché de Spolète faisait théoriquement partie de la Francia Media. Cette dernière comprenait des sites économiques importants à l’époque tels que Dorestad et Walcheren dans la zone du delta évoqué, des sièges épiscopaux prestigieux comme Milan, Pavie, Trèves et Cologne, et enfin d’importants palais comme Aix-la-Chapelle, Thionville, Gondreville ou Nimègue. La Francia media enjambait en quelque sorte le Patrimonium petri, territoire sous l’autorité papale garanti par les rois francs depuis Pépin le Bref au VIIIe siècle, et incluait la ville de Rome qui était liée à la dignité impériale transmise de père en fils de Charlemagne à Louis le Pieux, puis à Lothaire. Cela s’applique dans une moindre mesure à Aix-la-Chapelle, palais préféré par Charlemagne, et Metz, haut lieu de mémoire de la famille carolingienne, même si on a tendance à relativiser l’importance de ces deux sites pour les contemporains du IXe et Xe siècle depuis quelques années (McKitterick, 2008, p. 157-171).
Cette Francia Media artificielle qui durait de 843 à 855, année de la mort de Lothaire Ier, n’a pas connue de dénomination propre dans les textes de l’époque. Michel Parisse a signalé la formule in media Francia dans une énumération de quelques pagi sous l’autorité de Lothaire en 830 et dans la Vie de l’évêque Aldéric du Mans vers 840 (Migne, PL 115, col. 92 et PL 97, col. 647 ; Parisse, 2011). Cette absence de dénomination pour un si vaste espace n’est pas aussi surprenante que cela puisse paraître. Certes, pendant la douzaine d’années qu’il a existé on n’a pas trouvé de mot particulier pour désigner la Francia Media, mais on n’en avait peut-être pas forcément besoin. Il ne faut pas oublier que les auteurs contemporains avaient l’habitude de désigner les parties résultant des partages de l’empire franc – toujours perçu comme une structure unie – par des expressions du type Francia orientalis ou occidentalis. Toujours est-il que la dénomination qui s’est imposée pour le royaume du fils de l’empereur Lothaire Ier, regnum Lotharii, rappelle son premier roi, Lothaire II, et que ses habitants apparaissent comme « Lothairiens » à partir de 912 (Parisot, 1898, p. 747-753). Il y a là une particularité terminologique propre à la Lotharingie comparé aux Francs (devenu Français), Alamans ou Danois des royaumes voisins.
II. La Lotharingie : du regnum Lotharii aux deux duchés
Une des sources qui nous renseignent le mieux sur cette période sont les Annales de Saint-Bertin. C’est sous la plume de l’évêque Prudence de Troyes que nous apprenons que Lothaire Ier se retire au monastère de Prüm (diocèse de Trèves) en 855, qu’il y mourut le 29 septembre et qu’il partagea son royaume avant sa mort entre ses fils Lothaire et Charles (Annales de Saint-Bertin, p. 71 ; carte 2). Ce partage témoigne d’un consensus entre le père, Lothaire, ses deux fils présents et leurs conseillers. Si la répartition n’est pas mise en cause immédiatement, elle sera revue dans les années qui viennent à plusieurs reprises (Annales de Saint-Bertin, p. 77, 82, 96 ; Parisot, 1898, p. 223-227 ; Kaschke, 2005). Il faut savoir que Louis, le fils aîné de Lothaire Ier, avait déjà été couronné co-empereur en 850 et qu’il régna depuis de façon indépendante sur l’espace italien de la Francia Media. En 855, Lothaire Ier destina la partie désignée comme Francia dans le récit des Annales de Saint-Bertin à Lothaire II tandis que Charles qui avait une dizaine d’années reçut la Prouincia, une Provence élargie jusqu’au Lac Léman. On peut donc s’interroger sur les modalités du partage de la division de 855, qui semble être avant tout un succès des conseillers du troisième fils ayant obtenu la mise en place d’un véritable royaume sous l’autorité théorique du jeune Charles.
Carte 2 : Austrasie et Lotharingie
Cartographie : Patrick Mérienne, extrait de M. Parisse, Histoire de Lorraine, Rennes, Éditions Ouest-France, 2005, p. 7.
Le royaume de Lothaire II connaîtra de nombreux changements territoriaux depuis sa création jusqu’au XIe siècle (Parisot, 1898 ; Schneider, 2010, p. 95-114). Lothaire va céder des parties à ses deux frères et en récupérera d’autres après la mort de Charles en 863. Ces changements se passent au niveau du Rhône, de l’Isère et de la Saône. La seule cartographie complète et correcte de toutes les modifications territoriales jusqu’au Xe siècle reste celle proposée par Robert Parisot (2 cartes dépliantes : « La Lorraine de 843 à 888 » et « La Lorraine de 888 à 923 »). Après la mort de Lothaire survenue à Plaisance en 869, sur la route qui le ramenait d’Italie, son royaume fut partagé en deux par ses oncles Louis et Charles, rois en Francie orientale et occidentale (carte 1). Ce partage qui annihila la Lotharingie après un quart de siècle fut l’objet d’un véritable traité conclu près de Meersen, actuellement aux Pays-Bas, qui est entièrement conservé (carte 2 ; Boretius, Krause, 1897, no 251, p. 193-195). Il n’empêche que, comme tant d’autres traités de partage du IXe siècle, ces dispositions furent rapidement caduques. Pendant les 70 ans qui se déroulent entre 855 et l’intégration définitive de la Lotharingie dans l’Empire ottonien, on compte non moins de treize partages, cessions ou annexions concernant cet espace. Pour notre propos on mentionnera, après la disparition du royaume suite à la mort de son premier roi en 870, l’an 895 où la Lotharingie « renaissait » (Parisot, 1898, p. 513) avec comme roi Zwentibold, le fils du futur empereur Arnulphe, et l’an 900 qui fut marqué par la mort de Zwentibold.
S’il faut voir une césure dans l’histoire de l’espace lotharingien du haut Moyen Âge, elle est en 900. C’est l’année de la fin du royaume de Lotharingie. Désormais, elle fera partie du royaume oriental sous le frère de Zwentibold, Louis l’Enfant, puis du royaume de Charles le Simple avant d’intégrer de nouveau le royaume de l’Est sous son premier roi ottonien, Henri l’Oiseleur. A trois reprises, l’aristocratie lotharingienne a décidé de passer sous l’autorité d’un autre roi : en 900, bien avant la mort de Zwentibold, en 911 en prêtant hommage à Charles le Simple et en 923/925 en se ralliant à Henri l’Oiseleur. À chaque fois, c’est une famille de première importance dans l’aristocratie de cet espace, les Régnier, qui a initié ce changement d’allégeance (Le Jan, 1995b ; Dierkens, Margue, 2004). On reviendra sur cet aspect.
C’est en ce début du Xe siècle qu’apparaissent les premières appellations du royaume et de ses habitants. Dans un diplôme original conservé au monastère de Saint-Gall est mentionné Gebhard qui était parmi ceux à s’être débarrassé de Zwentibold, en tant que dux regni quod a multos Hlotharii dicitur, « duc du royaume que de nombreuses personnes appellent celui de Lothaire » (Schieffer, 1960, no 20). Ce diplôme du 24 juin 903 est la première attestation de la formule regnum Lotharii, « royaume de Lothaire ». Une dizaine d’années plus tard, en 912, on rencontre la première dénomination des hommes de ce royaume comme Hlutharingi, « Lothairingiens » ou, un peu plus tard encore, Lotharienses, « Lothairiens » dans les sources narratives (Annales Alamannici, p. 188 ; Reginon, p. 155-161). Il faudra attendre les années 960 pour la première attestation sûre dans les sources diplomatiques : deux chartes lorraines conservées par les abbayes de Saint-Mihiel et de Bouxières-aux-dames parlent de Lotharienses (Lesort, 1912, no 27 ; Chartae Galliae, no 223070), les diplômes d’Otton Ier avec des mentions gentiliques étant suspects ou faux (Sickel, 1884, nos 6, 70, 106, 210 ; Parisse, 2006). C’est à ce moment que Liudprand de Crémone, qui parle aussi de Lotharingi, qualifie Giselbert († 939), fils de Régnier au Long Cou, de dux in Lotharingia, « duc en Lotharingie » (Liudprand, II.18, p. 45 et II.24, p. 49). Le constat que le choronyme Lotharingia a été calqué sur la dénomination des hommes ne peut cependant pas être compris comme un indice pour la formation d’une entité, voire d’une identité gentilique (Pitz, 2005 ; Schneider, 2010, p. 258-273). Le « souvenir austrasien » invoqué par Michel Parisse ne peut s’appliquer sur la partie lorraine devenant la Haute-Lotharingie (Parisse, 1989, p. 170-171 ; carte 2).
Le mot s’imposera dans les actes et chroniques pour être repris par les historiens du XXe siècle et ce n’est peut-être pas un hasard si les premiers à l’utiliser semblent avoir été Wilhelm Levison et Franz Steinbach, tous deux professeurs à l’université de Bonn qui était dotée d’un institut pluridisciplinaire d’histoire rhénane (Levison, 1925 ; Steinbach, 1939). « Lotharingie » s’est depuis établie comme le terme technique pour désigner l’espace du royaume de Lothaire II, bien que l’historiographie moderne, notamment allemande, a continué pendant longtemps à employer « Lorraine » ou « Lothringen » comme synonyme du mot médiéval duquel ils sont issus (Pitz, 2005).
La Lotharingie politique connut plusieurs fins. La fin d’un royaume lotharingien spécifique est survenue à deux reprises en 869 et en 900. Dans les années 920, Giselbert († 939) qui était parmi ceux qui ont quitté Charles le Simple pour rejoindre Henri l’Oiseleur a réussi à obtenir le titre ducal du roi Henri devenu aussi son beau-père. D’autres grands nobles seront nommés duc par Otton Ier, parmi eux le frère cadet du roi, Henri, et Otton de la famille des Ricuin († 944), sans qu’une continuité successive aux mains d’une famille n’ait pu s’établir. Force est donc de constater l’absence d’un pouvoir central continué en Lotharingie hormis l’autorité royale ottonienne (Schneidmüller, 1987, p. 93).
À partir de quel moment peut-on appeler duché cet espace ? (Goetz, 2011) Quelques chartes avec des mentions ducales pour Frédéric ou Ferry Ier († 978) et Godefroid († 964) dans une même période ont laissé penser que Brunon, autre frère du roi Otton, archevêque de Cologne et duc lui aussi, avait partagé en deux la Lotharingie. Par conséquent, on a vu dans l’année où Ferry fut nommé duc (959) ou bien dans l’année de la mort de Brunon (965) la naissance de deux duchés, haut- et bas-lotharingiens, alors que le pouvoir de Godefroid et de Ferry semble avoir été limité respectivement au Hainaut et aux Ardennes. De plus, la célèbre charte dans laquelle Ferry se serait intitulé duc pour la première fois, à l’aide d’une formule empruntée aux diplômes royaux, qui constitue l’une des pièces majeures pour défendre l’an 959 comme point de départ de deux duchés, est pour le moins fort problématique (Chartae Galliae, no 222515 ; Barth, 1990, p. 133-141 ; Schneider, 2010, p. 126-129). La question a été largement débattue mais on convient aujourd’hui qu’on ne peut pas concevoir une division en deux duchés avant le milieu du XIe siècle (Barth, 1990, p. 168-178 ; Boshof, 1987, p. 149-153 ; carte 4). On sait que Gozélon († 1046) et son fils Godefroid le Barbu († 1069), descendants du comte Wigéric et de Cunégonde exerçaient l’autorité ducale sur l’espace des deux duchés (Bresslau, Kehr, 1931, no 74), à l’exclusion toutefois de l’Alsace et la Frise.
III. Quelles frontières pour la Lotharingie ?
Les historiens ont parfois du mal à envisager une frontière autre que comme un tracé linéaire ou un phénomène naturel supposé former une barrière nette. La plupart des cartes qui ont été dessinées pour visualiser la situation politique suite aux nombreux partages du haut Moyen Âge montre des frontières linéaires ce qui invite à imaginer des délimitations précises dans le paysage. Cela rappelle l’ouvrage pionnier de Friedrich Ratzel paru à la fin du XIXe siècle et le problème de la frontière naturelle (Ratzel, 1891). Ce n’est pas ici le lieu de développer ce débat aux nombreuses implications idéologiques. On insistera seulement, dans le contexte de notre propos lotharingien, sur l’exemple du Rhin qui montre bien qu’un cours d’eau ne représentait pas forcément une barrière mais plutôt une zone d’échange, un « interface » comme l’a démontré Geneviève Bührer-Thierry à travers l’exemple de l’Elbe (Bührer-Thierry, 2011, p. 75).
À Cologne, l’archevêque Brunon mentionné ci-dessus, fonda au milieu du Xe siècle une collégiale sur un îlot du Rhin. Le site de cette collégiale de Saint-Martin dont il subsiste une église du XIIe-XIIIe siècle fait partie aujourd’hui de la vieille ville de Cologne, sur la terre ferme (Engels, 2006, p. 52). Plus au Sud, en Alémanie, Liudprand de Crémone nous renseigne sur le fait que le site de Brisach se trouve dans une position protégée sur une île du Rhin (Liudprand, IV.27). Les géographes du XXe siècle ont confirmé le caractère mouvant du Rhin qui se présentait sous forme de plusieurs tracés et boucles comprenant des zones inondables (Wolfram, Gley, 1931, p. 4 et cartes 1 et 7 ; Henze, 1939, p. 219). Dans les deux cas, le fleuve a perdu sa forme disloquée aujourd’hui ce que l’on observe également dans le cas du delta formé par le Rhin et la Meuse (Cohen et al., 2012 ; cartes 3 et 4). Ce phénomène n’est pas propre au Rhin : des recherches récentes ont bien mis en évidence les problèmes auxquels ont été confrontés les membres des comités de délimitation mis en place suite aux conflits sur les Balkans à la fin du XIXe siècle (Schneider, 2013, p. 133-134). Les cours d’eau du Danube, de la Drina et de la Morava ne se prêtaient guère à l’utilisation de tracé frontalier à cause de leur caractère imprécis.
Carte 3 : La Lotharingie au Xe siècle
Cartographie : Rémi Crouzevialle, Université de Limoges, 2014.
Les différentes représentations cartographiques de la Francia media de 843 et de la Lotharingie montrent qu’il y avait quelques régions dont l’appartenance politique ne ressort pas très clairement des informations fournies par les sources contemporaines. Cela concerne notamment l’Alsace, la Frise, le royaume de Bourgogne, mis en place à la fin du IXe siècle, et le duché de Spolète. Pour ce dernier il est difficile à dire à quel point il faisait partie de la Francia Media, puis du royaume de Louis II. Dans le cas de l’Alsace on a contesté qu’elle fasse partie du royaume de Lothaire qui l’aurait promise à son oncle Louis le Germanique en 860 ou bien donnée à son fils illégitime Hugues en 867 ; au plus tard au début du Xe siècle l’Alsace aurait fait partie de la Francie orientale (Bauer, 1997, p. 3-5). Il est cependant impossible de trouver des indices de l’influence de Louis en Alsace avant 870, date du partage de Meersen, alors qu’on dispose bien des diplômes de Lothaire II (Schieffer, 1966, nos 28, 30 ; Henze, 1939, p. 235 ; Zotz, 1995, 60 ; carte 2). La question est plutôt de savoir si au moment du rétablissement du regnum Lotharii pour Zwentibold en 895 et plus encore au Xe siècle l’Alsace fut considérée comme lotharingienne. On sait que Zwentibold entra en conflit militaire avec Rodolphe, roi non-carolingien qui se fit couronner en 888 à Saint-Maurice-d’Agaune (carte 1) et une deuxième fois à Toul pour réclamer le pouvoir en Lotharingie, au moins dans ses parties méridionales. En effet, le statut de l’espace de l’ancien pagus Ultraioranus (Weber, 2011, p. 61-70) n’est pas clair entre 888 et 926. Les diocèses de Bâle et de Besançon, en d’autres mots le Sundgau alsacien et les contrées autour du Doubs et l’Aare (carte 2) ont été réclamés par les rois Zwentibold, Louis l’Enfant et Henri l’Oiseleur d’un côté et par Rodolphe de Bourgogne et son fils Rodolphe II de l’autre.
Citons une dernière fois Liudprand dont le récit nous éclaire sur la situation (Liudprand IV.25, p. 118-119). Selon toute évidence, Rodolphe II aurait amené lors de sa rencontre avec le roi Henri à Worms en 926 la « sainte lance », relique prestigieuse comportant un clou de la croix du Christ, pour recevoir en échange la confirmation de son pouvoir sur l’espace alémanique-haut-bourguignon au Sud de Bâle et de Remiremont, c’est-à-dire le diocèse de Besançon et le Sud du diocèse de Bâle. La Lorraine et l’Alsace restaient donc dans l’Empire et elles restaient lotharingiennes jusqu’à la fin du Xe siècle, quand s’esquissèrent les deux duchés haut- et bas-lotharingiens et le futur comté de Hollande tandis que l’Alsace allait rejoindre le duché de Souabe (Goetz, 2011, p. 127-128 ; Zotz, 1995, p. 67-69 ; carte 4).
De l’autre côté du Rhin, il n’y a pas d’unanimité en ce qui concerne le statut de quelques comtés situés en Rhénanie qui se situent à peu près en face de Cologne et font partie de son diocèse, pas plus qu’en ce qui concerne la Frise. Comme le montrent bien les cartes, pour certains historiens l’espace frison jusqu’au-delà de l’embouchure de la Weser aurait été compris dans les terres de la Francia Media et par conséquent de la Lotharingie (cartes 1 et 2 ; Bauer, 1997, cartes en annexe). Il faut évoquer ici une thèse de géographie rarement citée soutenue à Göttingen en 1920 et publiée en 1939 après la mort de son auteur (Henze, 1939). Il s’agit d’une analyse pointilleuse des frontières de l’époque carolingienne qui divisent les Francies, orientale et occidentale, donc les espaces devenant Empire et royaume de France. Henze discute déjà ces problèmes et propose des réponses très convaincantes.
Le texte du traité de Meersen mentionne in Ribuarias comitatus quinque, « cinq comtés en Rhénanie », dans la partie qui revint désormais à Louis le Germanique (Boretius, Krause, 1897, no 251, p. 194). Rien n’indique que ces comtés qui étaient forcément lotharingiens avant 870 aient été situés sur la rive droite comme l’a déjà fait remarquer Henze (Henze, 1939, p. 231-234). Au contraire, les sources narratives parlent bien du Rhin comme délimitation. Un indice important duquel on a déduit leur appartenance à la Francia Media et ensuite à la Lotharingie, se trouve dans les actes du monastère de Werden (cartes 3 et 4) qui continuent de dater d’après les années de règne de Lothaire Ier après le partage de 843, jusqu’en janvier 845 (Lacomblet, 1840, no 60). Ce phénomène, que l’on constate aussi dans d’autres cas, peut s’expliquer par l’autorité impériale qui est considérée comme supérieure à celle du roi de la nouvelle Francie orientale, surtout dans les premières années suivant le partage de Verdun (Henze, 1939, p. 231-232 ; Schieffer, 1938 ; Schneider, 2010, p. 91-94).
Carte 4 : Les duchés lotharingiens au XIe siècle
Cartographie : Rémi Crouzevialle, Université de Limoges, 2014.
Quant à la Frise, le traité de Meersen aurait été mal lu comme le met en avant Kaj van Vliet dans sa thèse publiée en 2002. Il rejoint les observations de Henze qui insistent sur le passage suivant de Frisia duas partes de regno quod Lotharius habuit, « deux parts de la Frise que tenait Lothaire » (Boretius, Krause, 1897, no 251, p. 194). Selon van Vliet, cette précision n’était pas anodine, surtout si l’on considère que les auteurs de ces traités étaient des professionnels des partages (Nelson, 2011, p. 248) ; elle signalerait que la Frise de Lothaire divisée en 870 n’était pas identique à l’espace occupé par les Frisons mais représentait seulement une partie, probablement la Frise occidentale. Par conséquent, il faut voir dans la Frisia telle qu’elle fut partagée à Meersen et dont Louis le Germanique reçut deux parts et Charles le Chauve la troisième partie, l’espace entre Sincfal et Vlie, de l’embouchure de l’Escaut à la mer d’Ijssel (Henze, 1939, p. 227-230 ; van Vliet, 2002, p. 133-138). C’est ici que le comte Dietrich ou Dirk fonda un monastère de femmes à Egmond dans les années 920.
Pour les raisons exposées, nos cartes 3 et 5 proposent une Lotharingie comprenant bien l’Alsace et une Frise limitée seulement à la zone de l’embouchure d’Escaut, Meuse et Rhin et au Kennemerland qui apparaît comme Kinnim dans les sources du IXe siècle. En l’absence d’informations précises sur la frontière au-delà du Rhin nous avons supposé une zone de No man’s land pour indiquer la délimitation de la Lotharingie vers le reste de la Frise.
IV. Ricuin de Verdun ou l’essor du pouvoir lorrain d’un soutien de Charles le Simple
Après avoir analysé les questions des frontières à l’échelle lotharingienne, étudions-les à un niveau plus restreint : celui de pratiques spatiales individuelles au début du Xe siècle. À cette période, la Lotharingie connut un revirement spectaculaire : à la mort du roi de Francie Orientale Louis l’Enfant, en 911, cet espace connut en effet, un important mouvement de bascule, relevant désormais de la Francie Occidentale et de son roi carolingien Charles le Simple jusque vers 923/925.
Les grands lotharingiens se rattachèrent donc durant deux décennies à un nouveau royaume, ce qui ne va pas sans poser problème et amène, entre autres, à s’interroger sur les politiques territoriales de l’aristocratie lotharingienne. Qu’ils aient subi ou provoqué ce revirement géopolitique, les grands lotharingiens ont-ils modifié leurs politiques territoriales durant les années 910 et 920 ? Leur horizon s’est-il tourné vers l’Ouest avec le rattachement à la Francie occidentale ?
Ricuin de Verdun était l’une des principales figures politiques lotharingiennes du règne de Charles le Simple, ce que Robert Parisot fut, étonnamment, l’un des seuls à souligner avec force (Parisot, 1898, p. 603). On le rencontre dans les sources dès les années 890, dans deux chartes du roi Zwentibold : le 14 août 895, ce dernier donne des terres dans la Meuse aux moines de Saint-Mihiel à Buxières-sous-les-Côtes, à Heudicourt-sous-les-Côtes, à Refroicourt (village ruiné, actuellement commune de Les Paroches) et à Bannoncourt et précise que toutes ces possessions sont situées dans le comté de Verdun dirigé par Ricuin ; le 23 janvier 899 Zwentibold évoque également le comte Ricuin, intervenu auprès du roi en faveur de l’église de Trèves (Schieffer, 1960, no 3, no 27).
On perd ensuite absolument toute trace de Ricuin durant l’intégralité du règne de Louis l’Enfant (900-911) pour ne le retrouver mentionné que le 12 février 912 dans un acte de Charles le Simple, dans lequel il intervient, conjointement avec l’évêque Drogon de Toul, dans les affaires de l’église de Toul. Peu après, le 11 juin 913, Ricuin profite de la présence de Charles à Metz pour lui faire confirmer des donations effectuées par Louis l’Enfant au profit de Saint-Mihiel (Lauer, 1949, no 71, no 73). Le 27 novembre 915, Charles III statue sur des aspects disciplinaires de Saint-Mihiel, là encore à la demande du comte Ricuin (Lauer, 1949, no 83). Enfin, l’année suivante, le 19 janvier 916, il est présent au palais de Herstal, où le roi a réuni les principaux aristocrates lotharingiens, pour trancher différents points litigieux (Lauer, 1949, no 84 ; carte 5). Or son nom apparaît, de manière significative, en deuxième position dans la liste des laïcs, juste après le comte du palais Wigéric et, surtout, avant Gislebert – que l’historiographie tient pourtant généralement comme l’aristocrate lotharingien le plus puissant de son temps, mais qui était alors néanmoins assez jeune.
De cette disparition totale des sources contemporaines de Louis l’Enfant puis de son apparition rapide et importante dans celles de Charles le Simple, on peut facilement conclure que Ricuin fut un opposant au pouvoir de Louis l’Enfant en Lotharingie ou, tout du moins qu’il ne le soutint pas de manière active. A l’inverse, la proximité de Ricuin avec Charles le Simple paraît si évidente que le comte de Verdun n’a pas seulement dû accepter rapidement la mainmise du Carolingien sur la Lotharingie mais qu’il a probablement joué un rôle actif en favorisant d’une manière ou d’une autre l’arrivée de Charles III sur le trône de l’ancien royaume de Lothaire.
Ceci expliquerait l’importance des récompenses qu’il reçut dans les années 912-920. On le retrouve ainsi abbé laïc du monastère vosgien de Moyenmoutier, très certainement nommé par Charles le Simple – de la même manière que le précédent abbé, le comte Hillin, avait été désigné par Zwentibold (Liber de sancti Hildulfi, p. 89). Il devint également au même moment abbé laïc de Saint-Pierre-aux-Nonnains, ce que Gordon Blennemann analyse comme une preuve évidente de reconnaissance royale, d’autant plus que cet abbatiat laïc, qui avait échu à la famille des Matfrid dans les années 880, leur avait été retiré en 896 par Zwentibold en raison de leur rébellion contre lui (Blennemann, 2011, p. 69 ; Parisot, 1898, p. 711). L’abbatiat laïc de ces deux abbayes devait conférer un pouvoir important à Ricuin, qui, par un acte du 17 janvier 918 (ARTEM, no 300), donne en précaire, en tant que comte et abbé laïc de Saint-Pierre-aux-Nonnains, des terres dépendant de cette abbaye en Meurthe-et-Moselle à Champey-sur-Moselle, à Bouillonville, à Essey-et-Maizerais, à Benney (Davillé, 1906, p. 24, 36) et à Mamey (Lepage, 1862, p. 84).
Cette liste de possessions ne constitue qu’une infime partie de l’ensemble des domaines de Ricuin, que l’on ne peut malheureusement pas reconstituer en détail faute de sources. La documentation qui nous est parvenue ayant quasi systématiquement transité par les abbayes, on ne peut en effet connaître les domaines des aristocrates lotharingiens que lorsqu’ils ont affaire aux abbayes ou évêchés, comme le souligne Robert Parisot : « La faveur dont jouissaient les seigneurs ne nous est attestée, le plus souvent, que par leur intercession en faveur d’un évêché ou d’une abbaye, non par les privilèges qu’ils ont reçus eux-mêmes et qui ne nous sont pas arrivés. Le crédit des évêques et des abbés nous est connu, au contraire, et par les actes où ils interviennent, et par ceux qui sont rendus pour leur église ou leur monastère. » (Parisot, 1898, p. 605) Tout cela lui permet d’« occupe[r] une situation importante, prépondérante même, dans le sud de la Lorraine » (Parisot, 1898, p. 604). On trouve un témoignage de sa puissance dans une source contemporaine sur Jean de Gorze qui « fréquenta durant plusieurs années la maison du comte Ricuin, un homme très important [prestantissimus] de l’époque, sage et très habile à mener les affaires en tout genre, et il en retira pour lui-même un très grand profit. En effet, c’est par une donation de ce comte qu’il détenait l’église de son village natal [Vandières] » (Jean de Saint-Arnoul, 1999, p. 51). Cet épisode se situe aux alentours de 920 et illustre les avantages que pouvait tirer un grand aristocrate de l’abbatiat laïc. En effet, Vandières (Meurthe-et-Moselle) appartenait à Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz et c’est en tant qu’abbé laïc de cette institution que Ricuin put en disposer librement (Jean de Saint-Arnoul, 1999, p. 7).
Carte 5 : L’ancrage spatial lotharingien du comte Ricuin de Verdun
Cartographie : Tristan Martine, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, 2014
La politique matrimoniale de Ricuin est un autre témoignage de son ascension. Il avait tout d’abord épousé la fille d’Engelram, comte en Flandre et en Frise qui perdit la faveur de Charles le Chauve dans les années 870 (Nelson, 1982, p. 213 et 240). C’est peut-être en raison de cette disgrâce ou d’une volonté de s’implanter davantage dans la région verdunoise que le comte de Verdun fit, en 883, décapiter sa femme (Reginon, p. 121), prétextant une affaire d’adultère (Le Jan, 1995a, p. 284). Son second mariage, conclu après 916, avec Cunégonde, veuve du très puissant comte Wigéric, va clairement dans le sens de cette analyse, puisqu’il s’agit là non seulement d’un mariage hypergamique pour Ricuin, mais également d’une alliance avec la famille dite « d’Ardenne », l’une des mieux ancrées dans le Sud de la Lotharingie et notamment dans le Verdunois (Evrard, 1981 ; Margue, 2013).
À côté de ses charges d’abbé laïque, Ricuin continue d’apparaître comme comte de Verdun (Chartae Galliae, no 222496) et il est même possible qu’il ait également été dans ces mêmes années 910-920 comte de Metz, information que rapportent différents historiens mais qui en réalité est fondée sur une mauvaise interprétation faite par M. Meurisse en 1634 de l’expression Riquinus misericordia Dei comes et abba monasterii Sancti Petri Apostolorum principis Metensis ecclesiae dans la charte déjà citée du 17 janvier 918 (Meurisse, 1634, p. 279 ; ARTEM, no 300). Comme le note à juste titre V. Chatelain, le simple fait d’être abbé laïc de Saint-Pierre-de-Metz ne suffisait pas à lui donner le titre comtal de la cité messine, et c’est très probablement à sa fonction de comte de Verdun qu’il est ici fait référence (Chatelain, 1898, p. 101). De même, de nombreux historiens font de lui le comte de Toul, supposant qu’il tenait donc entre ses mains les trois sièges épiscopaux qui formeront quelques siècles plus tard la province des Trois-Évêchés (Calmet, 1728, p. 335 ; Kalckstein, 1877, p. 135). Néanmoins, là encore, il faut raison garder : le diplôme du 12 février 912 déjà cité montre en effet que Ricuin était influent dans le Toulois mais ne suffit pas à lui attribuer avec certitude le titre comtal (Lauer, 1949, p. 160).
Enfin, un dernier titre est encore plus problématique : celui de duc. Dans le nécrologe B du Liber Memorialis de Remiremont, au folio 34 verso, un « dux » Riquinus est mentionné comme étant mort un 15 novembre (Liber memorialis, p. 76). Robert Parisot refuse d’identifier cette mention avec le comte de Verdun (Parisot, 1898, p. 604), notamment car aucun autre document n’atteste de l’attribution du titre ducal à Ricuin, tandis que pour Eduard Hlawitschka et Michèle Gaillard, il ne fait pas de doute que ce dux Riquinus est bien Ricuin de Verdun (Liber memorialis, p. 193 ; Gaillard, 2006, p. 304). Pour autant, cette mention isolée n’atteste pas tant que Ricuin était bel et bien, de jure, duc de Lotharingie, mais bien plutôt que son pouvoir était si important qu’un scribe de Remiremont a pu lui accoler ce titre au moment de sa mort. Parisot suppose ainsi que Ricuin « exerçait dans les bassins supérieurs de la Moselle et de la Meuse, une sorte d’autorité ducale, analogue à celle que possédait Régnier dans le nord-ouest de la Lorraine » (Parisot, 1898, p. 604). Très rares étaient les aristocrates à avoir droit à une inscription individuelle dans le nécrologe de Remiremont à la date de leur décès, et cette mention ne fait que confirmer l’importance du statut progressivement acquis par Ricuin (Gaillard, 2006, p. 300). Significativement, vingt ans plus tard, son fils, Otton, obtiendra ce titre ducal, de 940 à 942.
La puissance de Ricuin paraît donc s’être accrue de manière extrêmement conséquente dans le sillage de l’acquisition de la Lotharingie par Charles le Simple. Le Carolingien aurait pu récompenser ses soutiens par des terres situées en Francie occidentale, mais tel ne semble pas avoir été le cas, ce que l’exemple de Ricuin montre bien. Différents actes nous permettent de constater que le comte de Verdun ne reste pas uniquement dans son comté et cela en raison de ce que les historiens allemands nomment la Königsnähe, c’est-à-dire la proximité au roi. On le voit ainsi accompagner le roi dans trois anciens palais carolingiens : à Metz en 913, à Thionville en 915 et à Herstal, dans l’actuelle province de Liège, en 916 (Lauer, 1949, nos 73, 83, 84 ; carte 5). Il suit également le roi en Alsace, à Rouffach (Haut-Rhin) en 912 (Lauer, 1949, no 71). On le voit donc voyager aux côtés du roi, allant de l’extrême Nord à l’extrême Sud de l’espace lotharingien. Il faut néanmoins noter qu’il n’accompagne le roi que dans ses séjours lotharingiens et que l’on ne trouve aucune trace de sa présence aux côtés du roi à l’Ouest de la Meuse.
C’est là tout le paradoxe de ce changement politique, de ce rattachement au royaume de Francie occidentale qui semble avoir, finalement, renforcé l’horizon lotharingien de Ricuin, dont l’ensemble des possessions est restreint à un espace assez limité dans le Sud de l’actuelle Lorraine. Cette analyse va dans le sens des travaux de Régine Le Jan quand elle écrit : « Dans la Lotharingie carolingienne de la fin du IXe – début du Xe siècle, des regroupements territoriaux semblaient être en passe d’y réussir. » (Le Jan, 1995a, p. 416) Pour illustrer cette hypothèse, elle cite les Régnier, les Matfrid et la maison d’Ardenne. En reprenant le dossier des possessions de Ricuin, il semble que l’on puisse aboutir à une conclusion similaire (et cela serait encore plus évident en prenant en compte les possessions de son fils, Otton, duc de Lotharingie). Les Ricuin profitent clairement du rattachement à la Francie occidentale pour renforcer leur pouvoir local sans avoir l’ambition, ou tout simplement l’intérêt, d’aller s’implanter ailleurs.
Leur horizon n’est clairement que lotharingien et c’est justement parce qu’il l’est que les Grands prennent ombrage de la trop forte présence royale en Lotharingie. L’historiographie a longtemps insisté sur le sang carolingien de Charles le Simple, mettant en avant le légitimisme des aristocrates de la Francia Media, où le souvenir carolingien aurait été plus prégnant qu’ailleurs. Cette analyse n’est pas à remettre en cause, mais il faudrait la nuancer en soulignant l’avantage pour l’aristocratie de dépendre d’un roi lointain, occupé avant tout par ses affaires en Francie occidentale. Or c’est justement tout l’inverse qui arriva en Lotharingie, où Charles le Simple fut extrêmement actif, tenant de nombreuses assemblées et s’appuyant par exemple tout particulièrement sur Haganon, probablement un lotharingien. Présent en Lotharingie durant tout son règne, à l’exception des années 914 et 918, il semble avoir voulu être un roi lotharingien à part entière, comme l’indiquent l’intitulation rex Francorum et la formule largiore vero hereditate adepta qu’il fit figurer dans ses actes à partir de 911 et qui soulignent sa légitimité lotharingienne en tant que carolingien, le dernier à avoir utilisé de telles formules étant Charlemagne lui-même (Lauer, 1949, no 65, 67-70 etc., cf. p. LIV). C’est d’ailleurs ce trop grand attrait lotharingien qui lui fut reproché par les grands de Francie occidentale (Hope, 2005, p. 6 ; MacLean, 2013, p. 446-447).
La trop grande présence royale en Lotharingie pouvait non seulement aller à l’encontre de la volonté d’autonomie des aristocrates lotharingiens (Le Jan, 1995a, p. 417 ; Hope, 2005, p. 8), mais les voyages royaux avaient également un coût tout comme ils pouvaient provoquer des conflits concernant l’usage des forêts pour la chasse (Hennebicque, 1980, p. 52). « La forte présence royale suscita au sein de la noblesse lotharingienne une opposition qui alla en se renforçant » (Grosse, 2014, p. 134) et Ricuin se souleva alors contre son ancien allié. Lui dont on ne connaît absolument pas l’ascendance, et qui semble avoir joué un rôle secondaire en Lotharingie avant l’arrivée de Charles le Simple, revit manifestement ses ambitions à la hausse suite aux nombreux dons patrimoniaux que lui ont valu son soutien au roi carolingien. Mais, de même que les frères Régnier et Gislebert plus au Nord, son implantation dans le Sud de la Lotharingie semble avoir été gênée par l’ancrage local de Charles III : tout comme Gislebert, Ricuin changea donc de camp, soutenant désormais le roi de Germanie. En 921, Flodoard traite Ricuin de rebelle et indique que Charles le combat, lui reprenant par la force des fortifications (Flodoard, 1905, p. 6). Le mot latin utilisé, praesidium, n’est pas très explicite et peut désigner aussi bien un poste avancé qu’un château ou une simple tourelle, néanmoins, dans tous les cas, cela montre encore une fois l’importance des domaines de Ricuin, qui possédait donc différentes fortifications protégeant ses domaines lotharingiens.
C’est finalement sa trop grande réussite territoriale qui perdit Ricuin. En 923, Adalbéron, qui n’était pas encore évêque de Metz, fit assassiner le nouvel époux de sa mère, Cunégonde, par son allié Boson, dans son lit (Flodoard, 1905, p. 12-13). Il apparaît extrêmement probable que ce membre de la famille dite d’Ardenne ait voulu par ce geste empêcher la mainmise des Ricuin sur les domaines familiaux (Parisse, 1976, p. 21), comme le sous-entend d’ailleurs Boson lui-même, quand il s’adresse à l’abbé réformateur Jean de Gorze qui était venu lui demander de restituer des terres à l’Église: « Ton évêque Adalbéron, que j’avais décidé d’aider dans la mesure du possible, en tirant vengeance de son parâtre Ricuin pour défendre ses intérêts » (Jean de Saint-Arnoul, 1999, p. 135).
Conclusion
La Lotharingie du Haut Moyen-Age s’avère être un espace difficile à appréhender. Ce constat peut être fait aussi bien par l’analyse de la terminologie que par celle des délimitations qui changent très souvent selon la compétition géopolitique entre les rois du milieu du IXe au milieu du Xe siècle. Cela s’observe notamment dans le cas de l’Alsace et dans l’espace alémanique-bourguignon (franc-comtois) où se forme le royaume des rois Rodolphiens qui sera rattaché à l’Empire vers 1033/34. Il ne s’est pas imposé d’autre dénomination pour le « royaume de Lothaire » que regnum Lotharii, dans un premier temps, puis Lotharingia, qui s’est conservée jusqu’aujourd’hui dans le choronyme « Lorraine ». La Lotharingie créée en 855 se présente donc comme un espace produit dans le contexte des partages politiques et qui ne montre pas d’indices identitaires. Avec la dislocation du royaume et l’intégration de l’Alsace dans le duché de Souabe, la situation change au XIe siècle, période marquée par le début des manifestations identitaires dans l’espace de l’ancien empire franc.
En même temps, le cadre plus large de la Francia Media a mis en évidence que les problèmes observés ne sont pas propres à la Lotharingie : des dénominations qui semblent improvisées et l’absence de délimitations précises sont des phénomènes que l’on retrouve ailleurs durant la même période, comme le démontre bien l’exemple de la Frise. Nous nous sommes donc interrogés sur les stratégies spatiales des individus face aux frontières mouvantes.
Le changement de frontière et le rattachement à un nouveau royaume put en effet modifier l’implantation territoriale de certains nobles : on pense par exemple au comte Erlebold, qui rentra en conflit avec l'archevêque Hervé de Reims qui lui reprochait d'avoir construit un château à Mézières, en zone frontalière, sans en avoir le droit. Mais, dans l’ensemble, c’est plutôt l’inverse qui se produisit : les nobles profitèrent de ces changements politiques pour ancrer davantage leur pouvoir en Lotharingie. Restèrent fidèles à Charles les petits seigneurs, sur lesquels il s’appuya, tandis que les plus puissants, Régnier et Giselbert, mais aussi Ricuin, qui avaient rêvé de voir la Lotharingie devenir une marge du royaume de Francie occidentale, refusèrent de voir leur espace devenir l’un de ses cœurs. Ils se soulevèrent, espérant approfondir leur ancrage lotharingien et retrouver avec un nouveau roi une relation faite de compromis.
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