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N°8 mai 2016 : Géographie historique et questions militaires (1):

L'Invisible Armada : la géographie des menaces d'invasion française des Îles Britanniques (XIIIe-XIXe siècles)

Damien Bruneau


Par Damien Bruneau (agrégé de géographie, Académie de Rennes)



Résumé : Depuis l'avènement des Plantagenêts d'Anjou sur le trône d'Angleterre au milieu du XIIe siècle jusqu'à l'Entente Cordiale (1904), les relations entre la France et l'Angleterre sont régulièrement conflictuelles notamment à travers les différentes guerres de Cent Ans et la « Vieille Alliance » avec l'Ecosse. De fait, les Iles Britanniques sont à de nombreuses reprises sous la menace directe de projets militaires issus de l'autre côté de la Manche. Cependant, ces tentatives n'ont pas forcément laissé un souvenir tenace. Il s'agit de tenter d'établir une typologie de ces menaces dont le spectre s'étend du vague projet avorté à un débarquement réussi sur le territoire britannique en passant par de simples raids furtifs ou l'organisation d'une véritable armada d'invasion. L'analyse géographique du choix des lieux de départ de ces expéditions et des lieux de débarquement permet de mieux comprendre l'organisation maritime des deux puissances navales et notamment leur rapport au milieu naturel (accessibilité des ports de guerre, météorologie, façades littorales privilégiées...). Le brouillard de la guerre est accentué par le caractère incertain de ces opérations navales où la concentration envisagée des navires laisse souvent place à une dispersion chaotique des flottes. Les attentes françaises à propos de ces intimidations sont très variables selon les époques que ce soit en matière de guerre périphérique en Irlande ou en Ecosse ou au contraire de recherche d'un affrontement direct pour le contrôle de la Manche. Du XIIIe au XIXe siècle, les réactions britanniques à ces menaces connaissent aussi des évolutions entre fortifications côtières, théorie des wooden walls et formation d'une milice locale.



Mots clefs : Îles Britanniques, France, Débarquement, Flotte, Port, Brouillard de la guerre



Abstract : Since the accession of Plantagenet to the throne of England, in the mid-twelfth century, to the Entente Cordiale (1904), relations between France and England have been regularly conflicting through the various Hundred Years' Wars and the "Auld Alliance " with Scotland. In fact, the British Islands were many times under the direct threat of military projects from the other side of the English Channel. However, these attempts didn't leave necessarily an enduring memory. This study establish a typology of these threats : simple stealth raids, vague aborted project, veritable armada of invasion or successful landing in the United Kingdom. The geographical analysis of the chosen starting places of these expeditions and landing sites allows the reader to better understand the maritime organization of the two naval powers, including their relationship to the natural environment (accessibility of naval bases, weather, privileged coastal facades...). The fog of war is compounded by the uncertain nature of these naval operations where the proposed concentration of ships often gives way to fleets chaotic dispersal. The French expectations about this intimidations vary widely either for peripheral war (Ireland, Scotland) or otherwise looking for a direct confrontation in dominating the English Channel. From the XIIIth to the XIXth century, British reactions to these threats changed : coastal fortifications, wooden walls theory and local militia.



Key words : British Islands, France, Landing, Fleet, Port, Fog of war



 



Alors que la défense du royaume de France passe essentiellement à la fin du XVIIe siècle par l'édification d'une véritable ceinture de fer par Vauban, celle des Îles Britanniques repose avant tout sur ses frontières maritimes, et ce depuis les origines du royaume d'Angleterre. Devenue une véritable flotte permanente au milieu du XVIe siècle, la Navy est même considérée au XVIIe siècle comme partie prenante d'une frontière maritime avancée, c'est la théorie des wooden walls (Morieux, 2008). Or, depuis l'avènement des Plantagenêts d'Anjou sur le trône d'Angleterre au milieu du XIIe siècle jusqu'à l'Entente Cordiale (1904), les relations entre les deux nations sont régulièrement conflictuelles. La seconde moitié du XIIe siècle marque un tournant : c'est la fin de la période d'anarchie anglaise et de désordres féodaux chez les Capétiens. Ces deux Etats royaux en construction se trouvent d'autant plus face à face que le duché de Normandie est rattaché au royaume de France au début du XIIIe siècle. Sous différentes appellations de « Guerre de Cent Ans » (1), une longue période de conflits s'installe ainsi qu'un soutien français régulier aux ennemis des Anglais come, par exemple, l'Auld Alliance avec l'Ecosse du XIVe au XVIe siècle. D'ultimes crispations, notamment navales, ont lieu au milieu du XIXe siècle avant l'émergence quelques décennies plus tard de l'empire allemand, ennemi terrestre et maritime commun à la France et au Royaume-Uni (Meltz, 2014).



La Manche constitue une nette discontinuité maritime pour cette forme d’« angle protégé » (Grataloup, 2015) qu’est l’archipel britannique. Des premiers rois anglais, à l’écart de l’Europe du Haut-Moyen-âge, émerge par la suite un empire Plantagenêt expansif qui tisse un premier système spatial uni par la mer. Puis, celle-ci redevient séparatrice et les Îles Britanniques sont à de nombreuses reprises sous la menace directe de projets militaires français, c'est-à-dire la tentative d'une flotte de transporter des troupes jusqu'au territoire britannique. Une bonne partie du XVIIIe siècle est notamment consacrée à la préparation d'un débarquement en Angleterre, véritable obsession de la politique française (Bély, 2005). Il s'agit ici de différencier six types de menaces françaises vis-à-vis des Îles Britanniques (2) : les raids de pillage durant quelques heures, les plans de descente restés des fantasmes de papier, les projets-simulacres qui servent surtout de démonstration de force, les projets partiellement mis en œuvre, les échecs fréquemment dus à une confrontation navale et les réussites d'expéditions importantes c'est-à-dire d'au moins une dizaine de navires et de plusieurs milliers d'hommes. A partir de sources variées, 78 menaces connues ont été prises en compte, soit en moyenne une menace française tous les 8 ans sur la période considérée (tableau). Au-delà du caractère fondamentalement indécis des véritables desseins de ces multiples projets, on peut ainsi considérer 24 raids, essentiellement médiévaux, 13 projets restés lettre morte, uniquement au XVIIIe siècle, 16 lourds échecs  et 14 succès. Toutefois, cette insécurité du territoire britannique due aux tentatives françaises n'a pas forcément laissé un souvenir tenace dans l'imaginaire phagocyté par l'Invincible Armada espagnole de 1588 (les Spanish scares).



De fait, c'est une géographie historique en négatif de ces projets souvent inaboutis qui est à réaliser. L'analyse géographique du choix des lieux de départ de ces expéditions, des stratégies pour contrôler la Manche ainsi que les sites de débarquement doit permettre de mieux comprendre l'organisation maritime des deux puissances navales et leur rapport au milieu naturel.



L'étude globale des menaces d'invasion françaises souligne tout d'abord une certaine permanence des ports français impliqués ainsi que le déplacement progressif vers le Sud des ports anglais ciblés. S'attarder ensuite sur les principales occasions manquées rend plus concret le caractère très incertain des opérations navales, le fameux brouillard de la guerre. Enfin, il s'agit d'envisager la variété des réactions britanniques face aux french scares du XIIIe au XIXe siècle.



Tableau 1 : Les menaces d'invasion des Iles Britanniques du XIIIe au XIXe siècles





I. Les ports envisagés par les projets français : une continuité de César à Napoléon ?



La géographie des ports des expéditions, projetées ou concrétisées, est nettement concentrée tout en connaissant des renversements selon les périodes. En effet, la carte 1 montre l'importance de la façade Nord du royaume de France aux XIIIe-XIVe siècles. Dès la fin du XIIe siècle, l'accession contestée au trône d'Angleterre de Jean Sans Terre attise la convoitise de Philippe II vis-à-vis des possessions des Plantagenêts. En 1213, un projet d'invasion en force et directe de l'Angleterre - le souvenir de 1066 est alors réactivé - rassemble une masse improvisée de plusieurs centaines de navires dans l'estuaire de la Zwin près de Damme, en Flandres révoltée. Bien informés, les Anglais réalisent un raid sur la flotte française qui, mal défendue et enserrée dans un port étroit, finit incendiée. La création en 1292 du Clos des Galées, arsenal de Rouen, renforce cette tendance septentrionale en permettant de contrôler l'estuaire de la Seine et l'approche de la capitale capétienne.



Carte 1 : Sites envisagés ou réalisés d'embarquement et de débarquement (raids exclus) du XIIIe au XIXe siècles



 





Le début de la Guerre de Cent Ans est marqué par une nouvelle révolte des villes flamandes soutenant l'Angleterre et amène la concentration des navires français, et des projets d'invasion de la côte anglaise toute proche (3), à Damme et à l'Écluse, avant-ports de Bruges, et ce jusqu'à la fin du XIVe siècle (4). Le tropisme septentrional se confirme en 1385 lorsque Charles VI préfigure le camp de Boulogne napoléonien en rassemblant à Gravelines, plutôt qu'Harfleur considéré comme trop étroit, plus d'une centaine de navires (5) en vue d'envahir l'Angleterre où l'inquiétude atteint alors son maximum (Contamine, 1992). De plus, l'allié écossais n'est qu'à trois jours de navigation pour une éventuelle diversion. En 1415, le siège réussi d'Harfleur par Henry V puis la destruction du clos des Galées en 1418 marquent le début du contrôle anglais sur la Normandie et la fin du cycle incessant de razzias suivis de raids de représailles. Le roi de France se voit ainsi priver de sa principale base de départ sur l'estuaire de la Seine jusqu'à la fin de la Guerre de Cent Ans. La Manche est alors un véritable chemin intérieur pour l'Angleterre grâce à ses ancrages continentaux (Morieux, 2008) (6). Lorsque le royaume français sort renforcé de cette guerre, les relations trans-maritimes perdent de l'importance et la Manche redevient surtout une discontinuité. C'est d'Harfleur, libéré de l'ennemi mais non du sable qui l'envahit peu à peu, que part en 1485 l'expédition, armée par la France, portant Henry Tudor au pouvoir en Angleterre. La logique maritime de celle-ci persiste néanmoins à travers Calais, aux mains des Anglais jusqu'en 1558, qui intimide le port voisin français de Boulogne. Le caractère indécis du lieu de jonction des forces navales dans le Nord du royaume aux XVIe-XVIIe siècles s'explique aussi par l'achat tardif de Dunkerque (1662), port dont l'aspect menaçant amène les Anglais à exiger au traité d'Utrecht en 1713 la destruction de ses fortifications et son inutilisation jusqu'au milieu du XVIIIe siècle.



Ensuite, la seconde Guerre de Cent Ans (1689-1815) marque une nette évolution : Brest devient à partir de Richelieu et surtout de Colbert le sommet facilement défendable d'un triangle permettant de menacer rapidement d'un côté l'Atlantique avec la création de Rochefort et de l'autre la Manche avec Boulogne et Dunkerque (Contamine, 1992). Regrouper une grande partie des forces navales françaises à Brest permet de protéger le commerce colonial tout en maintenant une menace sur la Manche. Au cours de ce long XVIIIe siècle, les abondants projets d'expéditions partant de Brest s'expliquent par les qualités de plus en plus reconnues de ce port doté d'une grande rade profonde facilement défendable et par les efforts réalisés pour l'améliorer. De plus, le caractère excentré de Brest permet paradoxalement de se rapprocher de l'Irlande, propice terrain d'accueil aux expéditions jacobites cherchant à rétablir sur le trône anglais Jacques II Stuart ou ses successeurs au XVIIIe siècle. Il est un des rares ports français, avec Rochefort et Toulon, capables d'accueillir les lourds navires de guerre de plus de 60 canons qui sont devenus la norme depuis la fin du XVIIe siècle (carte 1). Dans les projets du XVIIIe siècle, ces navires ont pour mission de dominer la Manche et d'escorter les navires de transport (7) qui, de leur côté, sont abrités dans des ports plus petits et aux eaux moins profondes mais beaucoup plus près des côtes anglaises. Le choix du port de départ des transports de troupes ne va pas sans hésitations : en 1759, les atouts du Havre (embarquement facilité, proximité de Portsmouth...) sont en balance avec le fait que Dunkerque soit moins surveillé par les Anglais. Un raid anglais en juillet fait abandonner Le Havre pour Ostende, loin de la menaçante île de Wight. Cette répartition coordonnée des forces en fonction des spécificités de chaque port devient une vraie rengaine sur plus d'un siècle, un véritable carcan pour une dizaine de projets. Quant à la Guerre d'indépendance des États-Unis (1775-1783), elle souligne le manque d'une base navale importante en eau profonde en Manche face à l'Angleterre : le chantier de Cherbourg est alors lancé (8).



Pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire, l'efficace blocus anglais de Brest incite à un nouveau basculement vers le Nord-Est avec l'installation du camp de Boulogne en 1803-1805 où des navires dotés de fonds plats devaient permettre un accostage direct sur les toutes proches plages de sable britanniques. Cependant, le site est loin d'être irréprochable pour un tel projet en raison des capacités d'accueil, somme toute, limitées de ce port. Le pas de Calais sonne comme une évidence entre le continent et l'Angleterre mais son passage est difficile : le régime des vents y est difficile et les brouillards sont fréquents (Picouet, 2002). De plus, Napoléon hésite entre deux stratégies face à l'Angleterre, âme des coalitions anti-françaises : l'assaut direct pour faire table rase ou le blocus continental qui pourrait susciter une crise économique puis un renversement du régime anglais (9). Au final, l'échec d'une manœuvre de diversion dans les Antilles achève de lever le camp de Boulogne. Un second théâtre d'opérations occupant les Anglais de l'autre côté de l'Atlantique, comme pour la Guerre d'indépendance des États-Unis, n'est effectif que de 1812 à 1815, trop tardivement pour Napoléon.



Enfin, les bouches de l'Escaut redeviennent sensibles aux Anglais : l'invasion française des Pays-Bas autrichiens dès 1792 explique leur entrée en guerre l'année suivante. La réouverture de l'Escaut, fermé depuis le milieu du XVIIe siècle au profit de la néerlandaise Flessingue, permet de réarmer Anvers, « pistolet braqué contre le cœur de l'Angleterre » selon Napoléon. Ce port devient l'arsenal de l'Empire napoléonien et le lieu de fixations des craintes ancestrales anglaises d'invasion au point d'insister sur son abaissement au Congrès de Vienne de 1815.



 



II. Les lieux envisagés de débarquement et le tropisme méridional des arsenaux anglais



La localisation des lieux de débarquement est beaucoup moins précise que celle des ports de départ. Cela tient parfois au caractère très épidermique d'un projet sans réelles finalisations comme en 1794 où la Convention donne l'ordre de construire une flottille pour se rendre sur les côtes d'Angleterre sans plus de précisions. Néanmoins, l'indécision autour de l'objectif peut être délibérée afin de servir de leurre : en 1756, au début de la Guerre de Sept Ans, les Anglais, informés de menaces sur Londres et Portsmouth, surveillent de très près le rassemblement simulé des vaisseaux de guerre à Brest et Rochefort mais négligent Toulon d'où part une flotte qui s'empare de l'île de Minorque. Ce type de menace constante joue sur l'avantage procuré par l'imprévisibilité d'attaques dispersées qui complique la défense adverse des côtes (Delmas, 1992) (10).



La carte 1 souligne malgré tout la récurrence de menaces notamment sur le Sud-Est de l'Angleterre : au-delà de l'évidente proximité (11), cette région est d'autant plus ciblée au Moyen-âge qu'elle accueille les Cinque Ports. Il s'agit d'une association des villes côtières de Sandwich, Douvres, Hythe, New Romney et Hastings créée au XIIe siècle. Elles fournissent en navires le roi d'Angleterre en échange de privilèges commerciaux et d'un riche hinterland londonien. Ces cibles sont d'autant plus cruciales lors d'une tentative, non seulement de débarquement, mais d'invasion de l'Angleterre qu'elles sont les clés des communications maritimes entre Londres et le continent. C'est pourquoi, par exemple, la résistance de Douvres pendant la campagne du prince Louis de France en 1216-1217 compromet l'arrivée de renforts et plus généralement la réussite du projet de renversement du régime en s'appuyant sur la révolte des barons (Baldwin, 1991). Les « Cinq-ports » sont moins menacés dans les siècles suivants en raison de leur déclin économique en lien avec la modification du trait de côte : l'envasement de Hythe a été particulièrement notable au fil du temps.



Les projets français enlacent aussi fréquemment le passage du Solent, entre l'île de Wight et deux ports de guerre majeurs du Sud de l'Angleterre, Portsmouth et Southampton. La double série de raids côtiers épiques de Jean de Vienne en 1377 en est un exemple : les principaux ports anglais sont attaqués d'Ouest en Est de Rye à Plymouth pendant le mois de juillet puis les destructions recommencent à la fin de l'été depuis l'île de Wight jusqu'aux extrémités orientales de la côte anglaise. Cette furia francese se renouvèle en 1380 avec certains objectifs identiques : incendier notamment les chantiers navals de Portsmouth vise à empêcher le départ des chevauchées dévastatrices des Anglais sur le continent (Autrand, 1994). Les raids en tant qu'« insultes littorales » (Guillemet, 2004) sont le pendant maritime de ces chevauchées : avec des effectifs réduits faciles à financer, l'effet recherché est surtout psychologique en décrédibilisant la capacité du roi adverse à défendre son territoire (12). Ces actions guerrières de basse intensité et temporalité connaissent un rapide déclin face à des cibles de plus en plus fortifiées car un long siège ne convient pas à des troupes féodales rassemblées pour quelques semaines. La menace française constante entretient une forme d'obsession panique chez les Anglais et entrave fortement leur stratégie militaire : en 1380, un contingent destiné à la Bretagne est obligé de passer par Calais car les « galées ennemies patrouillaient sans cesse » (Walsingham cité par Contamine, 1992).



Une autre opportunité pour les Capétiens se présente durant l'été 1545 : en réponse à la dévastation de l'allié écossais et à la prise de Boulogne, François Ier mobilise près de 200 navires et plusieurs dizaines de milliers d'hommes pour se rendre maître de Southampton. Inférieure en nombre, la flotte anglaise refuse le combat et se replie au fond de la rade de Portsmouth, épargnée par les vents et les courants dominants et donc paradoxalement très adaptée aux galères à faible tirant  d'eau, privilégiées par les flottes françaises médiévales. Des troupes débarquées sont battues par la milice locale de l'île de Wight. Les Anglais ne peuvent être délogés du fond de la rade de Portsmouth où les hauts-fonds servent d'abri et l'étroit chenal ne peut faire entrer qu'un navire à la fois. La flotte française retraite mais l'affolement suscité accentuera la politique de fortifications côtières. A la fin du XVIIe siècle, après les guerres anglo-hollandaises, les principaux arsenaux ne sont plus sur les embouchures orientales de la Tamise et de la Medway, tournées vers le pas de Calais. La côte Sud de l'Angleterre et spécifiquement le port de guerre de Portsmouth, où un transfert de l’Amirauté est même envisagé lors des mutineries de 1797, sont plus adaptés aux ennemis franco-espagnols (Acerra, 1985). Plymouth et Portsmouth accueillent ainsi les principaux vaisseaux de guerre anglais grâce leur situation d'embouchure d'un profond estuaire (double pour le premier) (13). De plus, leur orientation Nord-Sud permet d’en sortir par tous les temps. Les vastes embouchures de fleuves (canal de Bristol, Clyde, Forth...) sont ainsi fréquemment la cible des majestueux vaisseaux de ligne français du XVIIIe siècle (carte 2). Bien conscient de ce tropisme méridional dans l'organisation navale anglaise, les projets, longtemps mûris, du duc de Broglie prévoient en 1765 que les vaisseaux de guerre partis de Rochefort bloquent Plymouth et ceux venus de Brest isolent Portsmouth (Das, 2009). Ce dernier est considéré comme la meilleure cible pour affaiblir l'Angleterre en parallèle d'un débarquement dans le Sud-Est (14) et son blocage était déjà prévu dans les plans de 1756. En 1777, le projet, plus abouti, du duc reconnaît l'impossibilité de s'opposer aux trois principaux pôles navals anglais (Chatham, Portsmouth et Plymouth) en même temps. Ils restent malgré tout des cibles en ce qu'ils seraient attaqués depuis l'intérieur une fois le débarquement principal réalisé. De fait, les ports secondaires aux rades plus étroites de la côte Sud-Ouest de l'Angleterre (Fowey, Teignmouth) ont été relativement peu visés. L'éloignement du continent, l'absence d'un grand port normand ainsi que des vents généralement contraires ont restreint le champ d'action de la flotte française.



Carte 2 : L'impact des contraintes naturelles et des sites portuaires





Néanmoins, au-delà des côtes méridionales de l'Angleterre, les projets français s'aventurent aussi, de manière secondaire, en Ecosse et en Irlande. En 1385, dans le prolongement des raids de la fin des années 1370, l'amiral Jean de Vienne débarque des troupes françaises dans l'embouchure de la Forth à Leith, port d'Edimbourg, ce qui sert de diversion à un plus vaste projet contre le roi d'Angleterre. L'Auld Alliance avec l'Ecosse est à nouveau sollicitée durant les années 1540 : des renforts en troupes, des armes, de l'artillerie, de l'argent et même des ambassadeurs sont envoyés à plusieurs reprises par la France à Leith, mais aussi dans l'estuaire de la Clyde, à Dumbarton près de Glasgow. Quant à l'Irlande, elle est, à partir du XVIIe siècle, de plus en plus désignée comme le lieu potentiel d'invasion à l'instar du projet jacobite de 1689 en réaction à la Glorieuse Révolution de 1688. Foyer traditionnel de rébellion en situation périphérique, le terrain irlandais est perçu comme plus praticable qu'en Angleterre. Dans les plans français, son insularité offre une possibilité de réduit pouvant s'opposer à un envoi rapide de renforts par Guillaume III (Cénat, 2010) mais aussi une étape vers l'Ecosse, elle aussi marquée par des agitations jacobites, ainsi que l'Angleterre. Comme souvent, entre les projets de papier et la réalité du terrain, l'écart est accentué par le brouillard de la guerre : la destination initiale de la balade irlandaise de Jacques II, Galway, se trouve une fois la flotte en vue finalement modifiée au profit de Kinsale. Ce type d'occasion manquée dépend du caractère frontal et du degré de complexité de la stratégie globale engagée.



 



III. Contrôle de la Manche, brouillard de la guerre et occasions manquées



« Ne pouvons-nous sortir d'ici pour chevaucher en Angleterre ? » Cette plainte des troupes débarquées en Ecosse en 1385 rapportée par Froissart illustre la variété des stratégies françaises d'invasion - les tentatives de diversion sont fréquentes - mais aussi de l'incompréhension face à l'éloignement du cœur politico-économique anglais. A cela s'ajoute le fait que les opérations navales comportent par nature un caractère incertain. Au-delà des lieux envisagés de concentration et de débarquement, le choix d'éviter à tout prix une rencontre d'ampleur en mer ou, au contraire, vouloir rejoindre et détruire la flotte ennemie, comme une condition sine qua non avant l'invasion prévue, engendrent des situations bien différentes. Pour espérer un rééquilibrage des forces navales, ordinairement moins nombreuses dans le camp français, il s'agit de faire se disperser l'ennemi pour l'affaiblir tout en restant soi-même compact ce qui est plus que problématique à réaliser en haute mer et sur de grandes distances. Les menaces françaises d'invasion n'échappent pas à cette dispersion chaotique en mer, habituelle aux époques médiévales et modernes.



 Chargé de préparer le funeste projet d'invasion de 1213, le prince héritier du trône de France, Louis, se voit offrir la couronne d'Angleterre en 1216 par des barons révoltés et débarque en mai avec un corps expéditionnaire pour les soutenir. Les navires français vont tenir la Manche pendant quinze mois et faire passer plusieurs convois de milliers d'hommes. Alors que Louis est défait à Lincoln en mai 1217, une ultime expédition de renforts est attaquée par une flotte anglaise. La défaite navale de Sandwich ainsi que le décès soudain de Jean Sans Terre, mettent fin à la révolte des barons mais aussi à la présence française outre-Manche. Le sort réservé par les marins anglais au chef pirate Eustache le Moine - sa tête parcourt tout le Sud du royaume - souligne l'ampleur des frayeurs provoquées par cette équipée. De la même manière, le cumul de plusieurs années de guerre et, par le fait, l'absence d'effet de surprise expliquent le fiasco de la bataille de l'Écluse en 1340. Des milliers de soldats franco-génois rassemblés sur près de deux cents navires par Philippe VI de Valois périssent dans « l’une des plus grandes batailles de l’Histoire : non seulement, elle arrête net la nouvelle tentative d’invasion de l’Angleterre, mais ouvre les portes de la France à l’invasion anglaise, et donc à la guerre de Cent Ans » (Acerra, 1994). Les Anglais profitent d'un puissant courant de marée et d'un vent du large favorable alors que la flotte française, dans un cul-de-sac, est entourée de bancs de sable, fréquents de Calais à l'Ecluse (carte 2). La faible tradition maritime des Capétiens, longtemps limitée à l'estuaire de la Seine avant l'obtention de la région rouennaise en 1204, n'a pu raisonnablement se développer au cœur de villes flamandes constamment en révolte. Celles-ci ont aussi leur rôle dans le projet de 1385, censé profiter de la domination française sur la Manche depuis la fin des années 1370. Un second front a été ouvert en mai 1385 en Ecosse : l'amiral Jean de Vienne et ses troupes s'approchent à une trentaine de kilomètres de Newcastle (carte 3). L'armée d'invasion par le Sud est convoquée pour son embarquement dans le port flamand de l'Écluse le 1er août mais la prise de Damme par les gantois révoltés pendant l'été fait traîner les opérations (de Certaines, 2013). Des tempêtes d'automne destructrices achèvent de reporter le plan. La tentative prometteuse de prendre en tenaille les Anglais, angoisse réelle à Londres en 1385, échoue finalement à cause de la mauvaise coordination avec l'entreprise écossaise de Jean de Vienne.



Carte 3 : Entre stratégies périphériques réussies et massives attaques frontales mises en échec





De même, la victoire navale française de Béveziers (1690) n'est que faiblement exploitée alors qu'un vent de panique souffle sur le Sud de l'Angleterre où la milice rassemblée par Marlborough ne compte que 6 000 hommes. Le but premier de cette expédition était de remporter une grande victoire, obtenue le 10 juillet, sur des Anglo-hollandais inférieurs en nombre. Fanfaronne, la « France prend la maîtrise de la Manche » (Meyer, 1993) mais ne sait pas profiter des circonstances favorables hormis de manière très improvisée. En effet, la poursuite des navires ennemis survivants est trop prudente : refusant le combat, les Anglais peuvent se replier dans la Tamise. Renonçant à se diriger vers la Mer du Nord en raison des courants et vents contraires au niveau du pas de Calais, l'amiral Tourville recherche un gage de victoire dans la prise de Plymouth, finalement jugée trop risquée en raison des défenses côtières, et finit par réaliser un raid modeste sur Teignmouth avant la fin de la saison (Boltanski, 2015). Le désir de maîtriser la Manche à tout prix est toujours présent deux années plus tard alors que le contexte a, entre-temps, changé : 1692 est une année charnière où le désastre de la Hougue marque le début d'un affaiblissement. Partis de Brest, des vaisseaux de guerre sont ainsi censés escorter des navires transportant 20 000 soldats regroupés autour du prétendant Jacques II dans le Nord du Cotentin et, si elle rencontre l'ennemi, les ordres de Louis XIV sont de se battre même en infériorité numérique (Dessert, 2002). Mais le projet est largement éventé, les Anglo-hollandais, renforcés depuis Béveziers, attendent les Français tout le long des côtes. Les premiers combats de rencontre au large de Barfleur sont indécis, l'amiral Tourville choisit de se replier vers son port de départ mais de nombreux navires ne peuvent passer face au vent le puissant Raz Blanchard au Nord-Ouest du Cotentin et croient se mettre à l'abri à Saint-Vaast-la-Hougue où ils finissent brûlés souvent par leur propre équipage. L'absence d'un port fortifié en Normandie (15) explique la volonté de Tourville, invaincu sur mer, de rejoindre Brest et est une des raisons principales de ce fiasco final. Il faut ajouter à cela la croyance française, jusqu'à Napoléon, qu'une petite armée débarquée pourrait prendre Londres et renverser le pouvoir en place sans tenir compte du sentiment national anglais (Cénat, 2010). De plus, les nombreux projets de soutien au jacobitisme sont marqués par un manque certain de secret : les dirigeants jacobites demandent significativement à être informés au dernier moment des plans français les concernant (Bély, 2013).



Le manque d'abri à proximité pour les navires français et donc l'étirement des lignes de ravitaillement à travers la Manche se ressent aussi durant les campagnes navales jacobites de 1708 où la « carte écossaise » est jouée (Gibson, 1988) et de 1744. Cette dernière profite pourtant d'une forme d'effet de surprise car les hostilités franco-anglaises ne sont pas encore officialisées en février. Des pilotes jacobites sont prévus pour guider l'invasion depuis le Nord jusqu’à la Tamise (Duchein, 2006). Cette connaissance précise du terrain est vitale dans le projet car son estuaire, parsemé de nombreux bancs de sable protecteurs, est le plus souvent balayé par des vents d'Ouest contraires. De plus, la défense côtière a été renforcée depuis le dévastateur raid hollandais de 1667 (Cénat, 2010). Alertée tardivement par les travaux de fortification de Dunkerque accueillant les navires de transport à fonds plats, la Navy ne peut empêcher les escadres parties de Brest de se rassembler. En définitive, une puissante tempête hivernale s'en charge. Les entrées en guerre sont ainsi synonymes de projets d'invasion subite et directe afin de raccourcir au maximum les hostilités en portant la guerre sur le territoire ennemi : c'est ce qu'exige l'Espagne en 1779 pour participer au plan français. La Manche est alors temporairement française en raison de la Guerre d'indépendance des États-Unis qui occupe une grande partie des navires anglais outre-Atlantique. En supériorité numérique mais tardivement rassemblée à Brest, l'armada franco-espagnole doit sécuriser la traversée de navires de transport regroupés à Saint-Malo et au Havre. Cependant, l'amiral anglais Hardy se défend bien d'offrir la bataille navale recherchée. A la fin du mois d'août, sa flotte évite le combat dans les Sorlingues puis profite d'un brouillard épais, fréquent aux extrémités de la péninsule cornouaillaise, pour se mettre à l'abri dans la passe de Solent (Villiers, 2015). Quand ce n'est pas l'ennemi qui demeure insaisissable et invisible, la météorologie et l'état de la flotte (16) prennent le relais pour bouleverser les plans français : envoyée par un coup de vent trop à l'Ouest de l'île de Wight, la flotte franco-espagnole est obligée de renoncer à menacer Falmouth en raison d'une grave épidémie à bord et de l'approche de la mauvaise saison. The other armada - dénomination anglaise contemporaine en référence à l'ampleur de la menace, proche de celle de 1588 - ramène à Brest près de 7 000 malades (Patterson, 1960).



« Si traverser la Manche n'est pas une entreprise impossible, en garder le contrôle avant, pendant et après le débarquement sur les côtes anglaises est plus difficile, surtout si on ne dispose pas d'alliés acquis à sa cause » (Forray, 2010). Cette maxime s'applique tout à fait à l'occasion manquée de 1798 (carte 3) : la stratégie de soutien aux Irlandais jacobites initiée par Louis XIV est reprise pendant les guerres révolutionnaires. L'expédition, suscitée par Wolfe Tone, a pour mission d'approvisionner en armes et en munitions des rébellions qui doivent éclater simultanément en divers points de l'Irlande (Elliott, 1988). Comme pour l'Ecosse durant les années 1540, les objectifs sont ambitieux : maintenir une présence somme toute éphémère sur un théâtre d'opérations très éloigné. Au final, le Directoire s'avère incapable d'envoyer une armée importante en Irlande (17) ni de la faire débarquer en temps voulu avant l'automne. En effet, la mauvaise synchronisation des plans fait que « les Français sont en mer » (Ranger, 2011) alors que la grande rébellion irlandaise a déjà été sévèrement réprimée depuis la loi martiale de mars. Pourtant, l'imaginaire populaire sera conquis par la tentative française, les mémoires sont marquées pour longtemps y compris sur les monuments aux morts du centre de l'Irlande.



 



IV. De pierre, de bois, de chair et d'os : des murailles en réactions



Une telle répétition de projets guerriers a logiquement entraîné des réactions multiples. La longue période de menace sur le Sud-Est de l'Angleterre au Moyen-âge a, par exemple, fortement marqué la ville de Sandwich. Des attaques françaises nombreuses (au moins en 1217, 1339 et 1372) ont notamment détruit son église principale à plusieurs reprises et engendré de maigres réactions locales. En 1385, il est décidé de fortifier la ville tout comme le reste des Cinque Ports ce qui n'empêche cependant pas leur saccage lors d'un nouveau raid français en 1457. En réaction, les Archives de l'Echiquier attestent d'une surveillance active des côtes anglaises dès les XIIIe-XIVe siècles (Laget, 2010). Après la Guerre de Cent Ans, on constate une réduction des projets dirigés contre le passage de Solent. Si Southampton, situé en fond d'estuaire, est par exemple beaucoup moins inquiété, c'est que ce port bénéficie du programme intense de construction des châteaux henriciens lancé sur la côte Sud du royaume par Henry VIII (carte 4), politiquement isolé depuis la paix de Nice entre François Ier et Charles Quint en 1538. L'île de Wight voit sa défense particulièrement se renforcer ce qui permet à cette véritable sentinelle du littoral de mieux en mieux surveiller les mouvements ennemis. Les menaces concrètes d'invasion française en 1544-1545 ne font qu'accélérer la mise en place d'une série de fortifications côtières modernes. Les infrastructures portuaires sont les premières que l'on cherche à défendre en cas de menace ennemie, ces places stratégiques ont souvent en commun une superposition de défenses parce que chaque génération a eu à cœur de moderniser le système mis en place par la précédente et rapidement rendu inefficace par l'évolution des arts de la guerre (Lobez, 2015).



Carte 4 : Les renforcements successifs de la "nouvelle Carthage" assiégée





A partir du début du XVIIe siècle, l'émergence de la théorie des wooden walls marque un délaissement de la défense côtière au profit d'une défense offensive et mouvante, la blue-water policy (Baugh, 1988). Celle-ci peut aller jusqu'à des raids côtiers préventifs et des bombardements de ports français, fréquents à la fin du XVIIe siècle, mais qui laissent peu à peu place à de véritables opérations combinées anglaises sur le sol français au cours du XVIIIe siècle (Lécuillier, 2007). La prédominance de Brest comme port de rassemblement des velléités françaises en Manche au XVIIIe siècle a amené les dirigeants anglais à organiser son blocus naval (carte 3). Difficile en raison des violents vents d'Ouest, ce containment est devenu très efficace à partir de la Guerre de Sept Ans en raison d'une rotation très organisée des navires anglais et de leur ravitaillement, elle soulage les pénibles stations sur place face à une dangereuse côte à falaises (18). Bloquée doublement, la flotte française doit attendre un éventuel vent d'Est pour être poussée hors de la rade. Cette longue attente, parfois de plusieurs semaines, a impacté l'organisation de nombreux projets français mais aussi le niveau d'entraînement des marins. Les dates de départ des escadres sont en outre régulièrement connues des espions anglais (Delmas, 1992). La peur d'une invasion française est alors telle que la flotte anglaise est prête à prendre tous les risques sur mer. La bataille des Cardinaux en 1759 est symptomatique sur ce point : l’objectif est alors d'écourter la Guerre de Sept Ans en tentant une sortie, un peu désespérée, avec ce qui reste de la flotte française. Le roulement de la flotte de blocus amène une relâche à Plymouth ou à Torbay, normalement un temps mauvais gêne aussi les Français mais en étant rapides ils peuvent profiter d'une accalmie pendant que les Anglais sont à plus de deux jours de navigation (150 milles marins). C'est ainsi qu'en novembre 1759 le comte de Conflans sort pour affronter Hawkes au large de Brest puis virer au Sud pour chercher les transports de troupes en baie de Quiberon (19), retourner ensuite vers l'Ouest contre les vents dominants avant, enfin, de remonter vers le Nord et l'Angleterre. La volonté anglaise de pourchasser la flotte française, malgré la mauvaise saison, dans un espace méconnu parsemé de récifs et sans pilote compétent, provoque en baie de Quiberon le « Trafalgar de l'Ancien Régime  » (selon Jean Meyer dans Acerra, 1999). Ce désastre français évoque, pour les contemporains, celui de la Hougue (Dziembowski, 2015). Cette réussite des wooden walls est pourtant mise à rude épreuve lors de mutineries, comme en 1797 (Chaline, 2005), ou lors de projets français plus proches des occasions manquées que des désastres navals.



C'est ainsi que l'armada franco-espagnole de 1779 incite le gouvernement anglais à revenir aux fortifications côtières. Celles de Douvres, dont le siège en 1216-1217 avait permis par la suite d'améliorer paradoxalement sa défense, sont ainsi modernisées à la fin du XVIIIe siècle. La défense de la ville-arsenal de Portsmouth, consolidée à la fin de Guerre de Cent Ans après de nombreux raids français, connaît elle aussi des efforts d'amélioration. Ces infrastructures défensives permanentes, expressions spectaculaires du pouvoir royal, concrétisent une appropriation poussée des territoires avec en corollaire la soumission des populations (Le Bouëdec, 2004). De fait, face à l'alarmant projet franco-espagnol de 1779, la population côtière est militairement mobilisée : enrôlement de marins, troupes régulières quittant les navires pour défendre les côtes, en particulier l'île de Wight, pendant que la milice surveille les prisonniers... Cette milice littorale avait été initialement créée face aux soulèvements jacobites soutenus par la flotte française. Les mesures d'urgence prises par le Parlement anglais ont été concrètement appliquées dans les comtés du Sud-Est de l'Angleterre en 1759, au moment de la Guerre de Sept Ans. Puis, les régiments de volontaire se forment aussi en Cornouailles, Devon - où se situe l'arsenal de Plymouth alors en plein essor - et Sussex en réponse à la menace criante de 1779 (Morieux, 2008).



Photographie 1 : Martello tower désormais entourée d'un parking à Dymchurch (10 kilomètres à l'Ouest de Douvres), la plage se situe sur la gauche





Plus tard, l'ombre provocatrice du camp de Boulogne de 1803-1805 fait s'achever la fortification des côtes suite à une mobilisation inconnue jusqu'alors. La construction intense de 1805 à 1812 de tours de type Martello (photographie 1), souligne de manière frappante l'effort défensif dans le Sud-Est anglais, figures de l'attente notamment situées sur les côtes sableuses (carte 2). Celui-ci est notamment complété par le creusement du Royal Military Canal (photographie 2) des environs de Folkestone à Hastings pour faciliter le transport de troupes et de munitions lourdes entre les Martello towers et les batteries côtières sans passer par un cabotage littoral devenu périlleux. Le lancement parallèle dans le camp français d'un chantier semblable pour connecter le vaste arrière-pays nantais à Brest est significatif, ce type de projet défensif n'étant pas nouveau à l'image du Grand Canal chinois. Les nouvelles technologies de l'époque sont elles aussi mises à contribution : un télégraphe relié à Londres est ainsi implanté dans la ville côtière de Deal pour avertir de l'invasion des troupes napoléoniennes, alors considérée comme imminente. Il faut souligner la continuité géographique de certains sites anglais régulièrement alarmés par les projets de débarquement français. Deal en est la parfaite illustration : rattachée aux Cinque Ports médiévaux, elle voit se construire au XVIe siècle trois châteaux henriciens côtiers (photographie 3). Ceux-ci sont en déclin au XVIIIe siècle notamment en raison de la forte érosion littorale (20) avant d'être néanmoins réarmés sous Napoléon. En plus d'être un chantier naval en plein essor pendant la Révolution Française, Deal accueille à un moment la flotte anglaise et sert de base pour des raids de l'amiral Nelson (21) sur le camp de Boulogne qui se situe à moins de 25 milles marins. Même après Trafalgar et la levée du camp français fin 1805, l'Angleterre ne peut désarmer ses navires car elle reste dépourvue d'alliés continentaux, le coût du maintien de la flotte en 1813 est estimé au double de celui de 1803.



Photographie 2 : Tronçon du Royal Military Canal à Rye (30 kilomètres à l'Ouest de Douvres)





En 1815, Waterloo ne met pas un point final à la nécessaire défense des côtes anglaises et aux desseins français contre la « Perfide Albion ». Les Martello towers sont réarmées au début des années 1830 quand un roi français est envisagé sur le nouveau trône de Belgique et donc aussi sur les rives de l'Escaut. La proclamation de l'empire en 1852 par Napoléon III suscite elle aussi des inquiétudes outre-Manche. Elles réapparaissent avec force lors de la campagne napoléonienne en Italie de 1859, du lancement du premier cuirassé français La Gloire et d'un éventuel appui militaire aux Fenians irlandais (Comerford, 1998). Une Royal Commission on the Defence of the United Kingdom recommande alors de moderniser les défenses côtières au cas où la flotte de protection anglaise serait occupée sur un autre théâtre d'opérations. En dix ans, plus de 70 nouveaux forts renforcent les Îles Britanniques dans leur ensemble en raison des rayons d'action élargis des navires à vapeur : les principaux ports de guerre sont privilégiés ainsi que l'embouchure de la Tamise (carte 4). Surnommées Palmerston's Follies du nom du Premier Ministre de l'époque, ces fortifications jamais attaquées sont à l'image des projets séculaires français : des folies par leur ampleur, inabouties dans la pratique.



Photographie 3: Château de Deal (10 kilomètres au Nord de Douvres)





« Les Saxons ont conquis l'Angleterre avec une poignée d'hommes et loin de leur pays, Guillaume le Bâtard avec sa seule épée. Vous avec un royaume plein de gens, de vivres et d'argent, n'en viendriez-vous pas à bout ? » Au final, il faut répondre par la négative à cette question du duc de Bourgogne au roi Charles VI en 1383 (Loray, 1878). Malgré la puissance militaire française de Philippe Auguste à Napoléon III, son armada navale reste invisible dans la géohistoire des projets d'invasion des Îles Britanniques : aucun débarquement massif de troupes au nom de la France n'a été réussi et encore moins une campagne durable sur le sol anglais. Outre le caractère cyclique de l'intérêt pour la mer, les projets sans réelle exploitation planifiée et un espionnage anglais souvent redoutable, la géographie a une lourde part dans les déboires français. Du XIIIe au XIXe siècle, les principaux ports de rassemblement utilisés (L'Écluse, Brest, Boulogne...) sont plutôt excentrés et avec un faible hinterland ce qui explique les lenteurs et les retards récurrents dans la logistique navale française et la réussite des réactions ennemies (soulèvements des villes flamandes, blocus contre Brest et Toulon, raids contre Boulogne...). Le caractère évolutif des pôles maritimes se ressent sur les deux rives avec une prédominance méridionale des arsenaux anglais (Cinque Ports, passage du Solent…), ce qui accentue le nécessaire contrôle de la Manche et l’organisation de nombreux raids frontaux pour la France. Les guerres franco-anglaises de l’époque moderne ont paradoxalement permis le développement militaire, démographique et économique de la façade Sud du royaume anglais. Quant à la stratégie périphérique française de soutien à des alliés souvent turbulents en Ecosse et en Irlande, elle implique des difficultés de coordination dans le temps et dans l’espace comme lors de la grande rébellion irlandaise de 1798. L’Angleterre se sent d’autant plus une citadelle assiégée lorsque la France peut s’appuyer sur une révolte de barons anglais, un prétendant crédible (Henry Tudor, la dynastie des Stuarts…) ou une rébellion des Irlandais catholiques. Ces peurs sont de moins en moins prégnantes au fur et à mesure des siècles avec les Actes d’Union, avec l’Ecosse en 1707 et l’Irlande en 1800, et l’enracinement d’un fort sentiment national sous la dynastie des Hanovre face à un Napoléon peu «  anglo-compatible ». Les opportunités ont somme toute été nombreuses mais elles ont été gâchées par l’absence fréquente d’effet de surprise, due à des projets ambitieux et longtemps retardés, ainsi que d’une agressivité navale souvent mal à propos. De plus, les difficiles conditions météorologiques en Manche n’ont pas forcément été intégrées dans la façon très terrienne des responsables français d’envisager l’espace et la guerre maritimes. Cette vision est partagée par de nombreux amiraux français de l'époque moderne, souvent ignorants des choses de la mer. Ainsi, la flotte se révèle souvent incapable de réaliser sa concentration rapidement et le brouillard de la guerre fait que ces occasions s’envolent souvent aux premiers coups de vent. En face, les dirigeants anglais ne peuvent rester sans réponse : les types de réactions selon les époques (fortifications côtières, wooden walls, milice locale) reflètent bien le fait que la puissance impériale britannique du XIXe siècle n'a plus rien à voir avec l’Angleterre menacée du XIIIe siècle, à peine sortie d’une forme extrême d’anarchie féodale. L’État moderne anglais s’est construit à partir d’une marine de guerre permanente et l’État-nation britannique naît d'un contrôle accru de sa population.





De fait, les conflits franco-anglais témoignent de la diversité des stratégies d’appropriation et des rapports aux territoires entretenus sur le long terme avec les abords de la Manche. L’enjeu que ces derniers constituent persiste, en dépit de la fin des tensions entre la République Française et le Royaume-Uni, lors de la Seconde Guerre mondiale : après l’évacuation de Dunkerque dirigée depuis Douvres en mai-juin 1940 (photographie 4), les projets nazis de débarquement ciblent les mêmes régions (Sud-Est, Portsmouth…). Étonnamment, ces plages menacées deviennent en 1943-1944 des sites d’entraînement pour le débarquement allié en Normandie. Certains de ces sites sont encore aujourd’hui des bases militaires avec notamment des champs de tir toujours tournés vers le large. En 1960, de Gaulle inaugure le paquebot France par ces mots : « La mer qui sépare les Nations et qui leur permet de se joindre. La mer par où les pires dangers peuvent menacer les États mais sans laquelle il n'y a pas de grandeur. » De nos jours, les jumelages intenses entre le Sud de l’Angleterre et le Nord-Ouest de la France ainsi que le tourisme mémoriel des deux côtés de la Manche rappellent la proximité durable des populations par-delà la mer et les conflits.



 



Sources Internet (pour les fortifications) :



http://www.victorianforts.co.uk/data.htm



http://www.geograph.org.uk/article/Martello-Towers



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Notes :





(1) De 1152 à 1259, de 1337 à 1453 et de 1689 à 1815.





(2)  Les îles anglo-normandes sont exclues de notre propos.



(3) Les côtes d'Opale et belge sont aussi celles d'où étaient parties les flottes romaines d'invasion de la « Bretagne » par César en 55 avant notre ère.





(4) Par la suite, l'ensablement progressif de la Zwin, bras de mer entre Damme et Bruges, est une quasi condamnation de l'accessibilité au large de ces villes portuaires.





(5) Les projets médiévaux rassemblent des flottes très hétéroclites comportant des navires issus de diverses réquisitions.





(6) La Guerre de Cent-Ans peut être comprise comme l'affrontement d'une logique « continentale », celle du royaume de France, contre une construction trans-Manche, celle de la couronne anglaise (Grataloup, 2015).





(7) Il s'agit, suivant les projets, de navires commerciaux réquisitionnés de type « flûte » ou de petits bateaux à fonds plats et à faible tirant d'eau construits spécialement.





(8) Ce port ne sera définitivement achevé que sous Napoléon III (Acerra, 1999).





(9) Cette politique d'étouffement de l'île avait été tentée par Philippe le Bel en créant le Clos des Galées avant tout contre la rébellion flamande (Randier, 1998).





(10) Dans ses mémoires, Luynes nous rapporte les propos du maréchal de Belle-Isle à des ministres étrangers à propos de troupes rassemblées pour une descente en Angleterre : « Pourquoi pas ? Le Roi envoie bien des troupes en Amérique, pourquoi n'en enverrait-il pas à sept lieues de chez lui? »





(11)  Une à deux journées de navigation avec un vent favorable suffisent.





(12) Une très faible partie de la population est au final touchée (Allmand, 1984).





(13) L'inspection des côtes Sud de l'Angleterre par E. Dummer et T. Whiltshaw de 1698 souligne, à propos de Portsmouth, des « qualités largement améliorées depuis les guerres avec la France, des approches faciles et sûres pour aller ou revenir de mer, une sécurité à l'ancre, des ports proches ou pratiques », le port « semble offrir tout ce que l'on peut désirer pour préserver la plus grande force navale du monde. »





(14) « Réflexions d'après la reconnaissance faite en Angleterre en Septembre et Octobre 1768 » par M. de Béville, missionné par le comte de Choiseul (CGM 1423, cité dans Das, 2009).





(15) Créé en 1517, Le Havre est considéré, dès Colbert au XVIIe siècle, comme difficile d'accès en raison de sa faible profondeur et des bancs de sable.





(16) Déjà sous-ravitaillés en juin, les navires français ne partent de Brest que fin juillet pour ne revenir qu'en septembre.





(17) Seulement 1 000 soldats sont finalement débarqués en août et leur progression s'essouffle rapidement.





(18) Une flottille côtière anglaise va même jusqu'à parfois sillonner le chenal du Four et le Raz de Sein.





(19) Par son isolement péninsulaire, Brest ne dispose pas d'un arrière-pays suffisant pour entretenir une petite armée, contrairement au Morbihan à proximité de la Loire.





(20) Sa plage est considérée comme idéale pour un débarquement selon un espion envoyé par le comte de Choiseul en 1767 (Das, 2009).





(21) Il est symbolique que le vainqueur d’Aboukir ait alors obtenu la charge de la défense de la Manche et des côtes anglaises.





 


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